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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/353

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MOU
1697

vailleurs pour la lutte et les améliorations immédiates, il a dressé un programme de rénovation sociale, affirmant le droit des travailleurs à reprendre la richesse sociale et à organiser le travail, qui restera un des idéaux les plus vivants et les plus pratiques de réalisation de l’émancipation sociale.

Le syndicalisme est universel : il existe partout des syndicats ouvriers. Il est tantôt à caractère réformiste, modéré, cherchant à réaliser, petit à petit, des améliorations et tantôt d’esprit révolutionnaire, combatif et visant à la transformation du mode de production. Il est devenu une force sociale qui joue un grand rôle dans la société, et en jouera un plus conséquent encore lors des secousses révolutionnaires.

Plus pondéré et plus terne est le mouvement coopératif. Il a différentes formes : consommation, production, crédit. Son but immédiat est de défendre le consommateur écrasé par le commerce. Non seulement il combat le mercanti, mais tend à lui substituer ses magasins de répartition. De même que les coopératives de production tendent à remplacer le patronat.

Quoiqu’imprégné, en général, de la mentalité bourgeoise, le coopératisme sous toutes ses formes est en même temps qu’un moyen pratique et pacifique de défense actuelle, un effort positif d’administration autonome qui prépare des cadres pour une société transformée. Dans le monde, il y a des millions de coopérateurs et les opérations réalisées par leurs groupements se chiffrent par dizaines de milliards.

Le mutualisme est une autre forme du mouvement social, quoique effacé et timidement revendicatif ; très pénétré aussi de bourgeoisie, il réalise néanmoins un premier stade vers l’organisation de la solidarité sociale. Dans beaucoup de petites localités les travailleurs, n’osant former des syndicats, ni même de coopératives, ont constitué des sociétés mutualistes. Nous lui accordons peu d’attention et cependant ce mouvement est plus important que nous le pensons, et, animé d’un autre esprit, il pourrait rendre de grands services, et apporter sa part appréciable à l’établissement d’un contrat social. Le mutualisme a souvent été le premier pas vers le syndicalisme et la coopération.

Ces trois formes, syndicaliste, coopératiste et mutualiste, du mouvement que nous étudions, sont spécifiquement économiques. Elles représentent la figure d’ensemble actuelle d’un mouvement social qui va des associations de pur réformisme aux groupements d’opposition et de lutte anticapitaliste. Les influences religieuses en sont en généralement écartées ; parfois, elles sont combattues avec force. Ce qui domine, c’est un positivisme pratique et réalisateur.

La grande cause de faiblesse de ces divers groupements est que le plus grand nombre n’a pas encore su se libérer des croyances séculaires dans la hiérarchie. On y parle beaucoup d’égalité, mais les faits contredisent ces propos. L’esprit d’inégalité, de corporation, de privilège même entre ouvriers, persiste. De là des divisions, des haines, des jalousies réciproques. On continue à attendre les interventions d’en haut, on ne s’anime vraiment que pour se choisir des chefs chargés de suppléer aux activités défaillantes. Indifférence, expectative pleine d’apathie, soumission, crédulité, voilà qui caractérise la mentalité générale. Malgré qu’il soit beaucoup question de liberté, la réalité est toute imprégnée d’errements autoritaires. La forme théorique apparente de ces organismes est une large démocratie. Mais on s’aperçoit vite que presque partout on s’en remet à quelques individualités du soin de mener le bon combat et qu’elles exercent, de ce fait, une sorte de dictature. Nombre de ces associations sont la proie du régime personnel, que contrecarre à peine un contrôle illusoire et périodique.

Et lorsque ces groupements s’agglomèrent en fédéra

tion, organismes régionaux et nationaux on assiste au triomphe des méthodes de centralisations qui, dans tous les domaines, ont donné de si déplorables résultats. La grande plaie du mouvement social est de vouloir toujours calquer l’organisation politique des États, comme si les organismes de rébellion et d’affranchissement pouvaient avoir – utilement pour les masses – la même structure que les édifices de conservation et de privilèges et que les armes qui se sont révélées si aptes à maintenir les peuples dans l’esclavage pouvaient être aussi celles de leur libération.

On commande, alors qu’il faudrait enseigner. On impose, au lieu de convaincre. Et cet esprit d’initiative qu’il faudrait éveiller, les chefs s’emploient à l’étouffer, lorsqu’il se manifeste, de crainte de perdre leur prestige… Aussi, division, suspicions éparpillement des forces, affaiblissement de l’esprit de lutte, découragement, stagnation, voilà ce que rencontre sur sa route un mouvement social qui devrait être si puissant.

L’idéal qui apparaît le plus capable de donner au mouvement social l’unité et l’ardeur qui lui manquent pour se lancer avec efficacité à l’assaut de la société bourgeoise, c’est l’idéal libertaire. Celui-ci fait appel à la recherche et à l’activité de tous et de chacun ; il fait table rase des sentiments de hiérarchie ; il n’accepte aucune direction tyrannique : il ne retient que l’autorité morale du talent, de la compétence technique ou générale, du dévouement éclairé. Il demande à chacun de s’occuper personnellement des questions qui l’intéressent ; il s’efforce de secouer cette paresse individuelle qui conduit aux délégations d’abandon. D’autre part, plus profondément que toute autre, la philosophie libertaire vise à débarrasser le mouvement social des attaches et des préjugés qui le paralysent.

Ne voulant imposer sa dictature à personne, mais laisser au contraire à chaque groupement toute son autonomie, afin qu’il réalise la part d’émancipation sociale qui lui incombe, l’idéal libertaire représente la synthèse morale des différents courants du mouvement social, susceptibles d’élever l’humanité marchant vers une liberté, une égalité et une justice effectives. – Georges Bastien.


MOYEN AGE On appelle moyen âge la période des temps dits « historiques » de l’humanité qui s’est écoulée entre l’antiquité et la Renaissance, commencement des temps modernes. Cette division des temps est particulière à l’Europe occidentale ; l’Orient ne la connaît pas ou ne l’a pas adoptée.

Les historiens font généralement commencer le moyen âge à l’an 395, date du partage de l’empire romain entre les fils de Théodose, et le font finir en 1453, l’an de la prise de Constantinople par les Turcs. Cette délimitation du moyen âge par deux dates est absolument arbitraire, comme le sont le plus souvent les précisions de ce genre. Elles sont un moyen mnémonique commode pour conserver le souvenir des événements, mais elles ont le grave défaut, comme c’est le cas ici, de laisser ignorer sinon de fausser le véritable caractère de ces événements en faisant croire qu’ils ont été spontanés, sans relations antérieures alors qu’ils ont eu au contraire des causes lointaines, profondes, auxquelles ils ont été étroitement liés.

Les temps historiques sont ceux sur lesquels on possède des documents suffisants pour établir, avec plus ou moins d’exactitude, mais d’une façon continue l’histoire de l’humanité. C’est dire que les commencements de ces temps reculent de plus en plus dans le lointain passé appelé préhistoire (voir ce mot) à mesure que de nouveaux documents toujours plus anciens sont découverts. Pendant longtemps on n’a vu l’origine des temps historiques que d’après la Bible et l’histoire du