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que la mesure de supériorité souvent appliquée et qui se rapporte au succès dans la société capitaliste ne correspond sans doute pas aux qualités mentales qui constitueraient la supériorité dans une société où le bas idéal de parasitisme serait remplacé par l’idéal du mérite personnel, l’idéal d’être utile au progrès humain, Il n’est donc pas à propos de s’étendre ici sur toutes les propositions faites, afin que les classes dites « supérieures » de notre société capitaliste, et qui justement, malgré leurs moyens financiers, ont le moins d’enfant, en aient en plus grand nombre.

Mais, certainement, il est désirable que les personnes qui réellement sont supérieures à la moyenne aient plus d’enfants que les autres. Dans diverses publications, j’ai déjà traité cette question, dont je ne donnerai, ici, que les grandes lignes. Toute qualité, physique ou mentale, peut être propagée par la sélection humaine, comme on a pu le faire pour les animaux domestiques, et il est certain qu’on pourrait créer des races douées des qualités voulues, même une race de génies. Mais pour ce faire, il faudrait procéder comme on l’a fait pour les animaux domestiques et comme le plus grand bien de l’homme est la liberté, tel procédé est exclu. Il faudra se contenter de laisser la nature pratiquer de nouveau la sélection vers le mieux comme ceci eut lieu dans une période reculée, et qui fut plus tard plus ou moins remplacée par une sélection à rebours. Mais si nous voulons laisser jouer notre imagination et si nous songeons à ce que l’avenir pourrait être on peut raisonnablement prévoir que, par la femme choisissant librement l’homme dont elle aurait apprécié les qualités qu’elle voudrait retrouver dans son enfant, s’ouvrirait une perspective de progressive amélioration dont nous pouvons à peine concevoir l’importance.

Toute femme a l’ambition d’être mère d’un enfant de valeur et nul homme ne refuserait l’honneur d’être choisi comme père. Si la vie la plus heureuse est celle de vie en commun de l’homme et de la femme qui s’aiment d’un grand amour, complet, durable, on ne peut pas nier que de telles unions constituent une rare exception dans la société actuelle et ne seront peut-être pas la règle dans une société rationnelle.

On peut alors s’imaginer que la femme ayant ce grand désir d’être mère d’enfants supérieurement doués, n’en voudrait pas avec un homme qui ne posséderait pas les qualités requises, mais qui lui donnerait tout de même toutes satisfactions sous d’autres rapports. Il pourrait même entrer dans les mœurs que les femmes refuseraient d’être mères autrement qu’en des conditions eugéniques ; et, alors, se ferait, de par la volonté de la femme, cette sélection que l’homme a faite pour créer les meilleures races d’animaux domestiques. Comme pour les animaux, ce serait la faculté du mâle de pouvoir procréer un nombre presque illimité d’enfants et tel homme de génie serait peut-être choisi comme père de centaines d’enfants.

Mais pour la femme, à laquelle déplairait l’idée de rapports sexuels avec un homme qu’elle n’aimerait pas et qu’elle considérerait uniquement comme le moyen nécessaire d’avoir des enfants d’une très grande valeur, il y aurait tout de même le moyen d’en avoir avec lui par la fertilisation artificielle, comme elle est pratiquée couramment dans la sélection, par exemple, de chevaux de course et dans d’autres cas. Donc une femme pourrait avoir des enfants avec un homme qu’elle n’aurait jamais vu et même qui ignorerait qu’elle l’a choisi comme père. Alors tout sentiment de délicatesse serait respecté.

Des rêves ! Oui ! Mais tant de rêves sont devenus des réalités ! — Docteur Axel A. R. Proschowsky.


NATALITÉ n. f. Rapport entre le nombre des naissances et le chiffre de la population totale. En France, la natalité va en diminuant depuis cent cinquante ans.

Elle diminue aussi dans tous les pays de civilisation avancée.

Certaines gens déplorent la baisse de la natalité ; ce sont des esprits rétrogrades et des âmes égoïstes. Ils voudraient beaucoup d’enfants pour pouvoir faire la guerre et aussi pour abaisser le salaire des ouvriers ; car, ainsi qu’on l’a dit avec raison, quand deux patrons courent après un ouvrier, les salaires montent ; mais quand deux ouvriers courent après un patron, les salaires baissent. Les plus notoires propagandistes de la repopulation ont très peu d’enfants ou même n’en ont pas du tout.

Ce sont les pays arriérés qui ont la plus forte natalité : la Russie tsariste, l’Italie, l’Espagne. L’ignorance est profonde, la malpropreté extrême ; dans les pays du Nord, il faut ajouter l’ivrognerie permanente. L’homme ne réfrène pas ses instincts sexuels ; la femme n’est pour lui qu’un objet de fornication. Il la prend alors qu’elle est près d’accoucher et aussi lorsqu’elle vient d’être délivrée. Naturellement il ne prend aucune précaution ; il est à cet égard semblable aux animaux.

La femme est passive ; elle se livre à l’homme alors qu’elle n’en a nul désir, alors qu’elle est malade, que ses chairs sont encore dolentes de l’enfantement récent. C’est une esclave et d’ailleurs si elle avait la velléité de se refuser, l’homme la prendrait par la violence et la frapperait par surcroît.

La femme a donc dans ces pays arriérés tous les enfants qu’elle peut avoir et quand elle n’en a pas, c’est qu’elle, ou son homme, sont atteints de stérilité pathologique. Elle comprend très mal la relation qu’il y a entre les rapports sexuels et la conception. Elle croit que c’est Dieu qui envoie les enfants et qu’il faut l’en remercier. On sait que

« Dieu bénit les grandes familles ».

Ces familles cependant ne sont pas aussi grandes qu’on pourrait le penser, car les enfants meurent aussi facilement qu’ils naissent. Le nouveau-né est très fragile:un peu de froid et c’est la broncho-pneumonie ; un lait altéré par un mauvais état de la mère et c’est la diarrhée verte. Les petits cercueils se suivent an cimetière. La mère a peu de chagrin ; sa vie est trop rude pour qu’elle ait le cœur sensible ; et puis, elle a trop d’enfants, sans compter celui qui pousse dans son ventre.

La religion vient encore augmenter la servitude. Au confessionnal, le prêtre s’enquiert des rapports sexuels; il menace la pénitente de l’enfer en cas de fraude.

Si l’on se limite à la France, la même loi se vérifie. Les pays les plus arriérés ont la plus forte natalité:l’Auvergne, pays montagneux, où la civilisation pénétrait peu, avant l’automobile; la Bretagne, pays dont on a poétisé les légendes, mais qui est très arriéré et, par suite, très croyant.

Jusqu’à ces derniers temps, il y avait encore une forte natalité dans les centres industriels. L’ouvrier est plus instruit que le paysan, mais il reste encore très ignorant. L’alcoolisme l’obnubile et accentue son insouciance naturelle. Il prend tout son plaisir sans se soucier de ce qui adviendra.

Cependant dans l’ensemble de la France la natalité décroît et les propagandistes de la fécondité sont impuissants. On a compris depuis longtemps que les enfants ne viennent pas de Dieu et que, lorsqu’on le veut, on peut très bien restreindre sa fécondité, même la supprimer tout à fait.

Chez le paysan, l’enfant a été longtemps considéré comme un rapport. La nourriture était peu chère, l’habillement était réduit à sa plus simple expression. Dès que l’enfant tenait sur ses jambes, on l’envoyait garder les bêtes.

Mais la loi de partage des biens entre les enfants