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peut exister entre certains faits ou phénomènes des rapports que nous ignorons, — comme hier nous ignorions la radioactivité — : ce n’est pas une raison pour les nier a priori ; mais c’est folie de les affirmer sans preuves. Rappelons-nous ce mot d’un des écrivains les plus judicieux, La Bruyère : « Il y a un parti à trouver entre les âmes crédules et les esprits forts ». Et méditons aussi cette remarque profonde de Darwin : « L’ignorance entraîne la certitude plus souvent que la connaissance. Ce sont ceux qui savent peu, et non ceux qui savent beaucoup, qui affirrnent que tel ou tel problème ne sera jamais résolu ». (The descent of man.)

En conclusion, s’il faut bien se garder de croire inconsidérément les affirmations des occultistes, il convient toutefois, certains de leurs concepts méritant d’être pris en considération à titre d’hypothèses, de leur faire un prudent crédit, et d’attendre les possibles « désoccultations ». — E. Fournier.


ŒUVRE n. f. (du latin opera, travail, soin). Chose faite, créée : les œuvres du génie, de la civilisation. Acceptions diverses : la fin couronne l’œuvre. À l’œuvre on connaît l’ouvrier. Ne faire œuvre de ses dix doigts. L’œuvre de chair. Cette femme est enceinte des œuvres d’un tel. Mettre tout en œuvre pour réussir. Se mettre à l’œuvre. La main-d’œuvre. Œuvres choisies. Œuvres philosophiques, poétiques, posthumes. Maître des basses-œuvres (vidangeur). Maître des hautes-œuvres (bourreau), etc…

S. m. : recueil de toutes les estampes d’un même graveur (l’œuvre d’Albert Durer). Les ouvrages de musique d’un compositeur (l’œuvre de Wagner). Le grand œuvre : recherche de la pierre philosophale. Architecture : reprises en sous-œuvres : rebâtir sous la partie supérieure d’une construction nouvelle ; réparer les fondations. Fig. : reprendre en sous-œuvre (une tragédie, un drame, qui pèche par le plan). À pied-d’œuvre : à proximité. Hors-d’œuvre, etc…

Théologie : Bonnes-œuvres. Le Concile de Trente (session VI) a décidé : 1o  accomplies par des âmes en état de grâce, les bonnes œuvres sont méritoires ; elles donnent à leurs auteurs des droits réels au bonheur du ciel. Accomplies par des pécheurs, les bonnes œuvres ne sont pas méritoires, mais elles restent utiles à l’âme, car elles disposent Dieu à lui accorder des grâces ; 2o  Les bonnes œuvres sont nécessaires au salut : les justes, sans elles, ne peuvent ni garder ni développer la grâce ; les pécheurs ne peuvent recevoir de Dieu les grâces qui les convertiront ; 3o  Le principe des bonnes œuvres est double : la grâce de Dieu prévient et perfectionne l’action humaine et la volonté humaine aide à l’action de la grâce divine. L’Église grecque est d’accord là-dessus avec l’Église catholique. Pour les protestants, rien ne compte que la foi. Luther affirme que toutes les œuvres de l’homme sont mauvaises. Même opinion du Synode de Dordrecht (1618-1619). Les Calvinistes soutiennent que les œuvres des pécheurs sont toujours désagréables à Dieu et que celles des justes sont une simple expansion de la foi (Larousse).

Toute œuvre demande une somme énorme d’efforts : recherche et classification des idées, des documents ; période de conception avec ses tâtonnements, ses enthousiasmes, ses joies et… ses déceptions (parfois insurmontables et qui sont une atroce torture pour celui qui crée (lire l’Œuvre, de Zola). Mais, par dessus tout besoin de créer qui pousse l’artiste, le chercheur, le savant, l’artisan, le « bricoleur », à produire, à s’extérioriser. La création d’une œuvre véritable (c’est-à-dire qui n’est ni un plagiat, ni une œuvre de compilation) est, dans tous les domaines, un acte d’une haute portée sociale. Cette œuvre nouvelle fait partie désormais du patrimoine de l’humanité. Elle est un jalon nouveau sur la route des connaissances. Elle

marque une étape, et elle prépare les œuvres nouvelles qui la dépasseront nécessairement dans cette ascension continue de l’esprit vers la découverte de tous les secrets du grand sphinx. — Ch. B.


OFFENSIVE. Il est bien évident que nous ne pouvons mieux faire ici qu’évoquer le point de vue guerrier qui caractérise si formidablement ce mot. Il n’est pas très difficile à expliquer et il est bien facile à comprendre, après l’usage abusif qui en fut fait en discours, en écrits et en actes, avant, pendant et depuis la guerre infernale de 1914-1918. Pour le bien définir, ce mot qui exprime une mentalité spéciale de l’atmosphère guerrière de l’époque, il faut bien reproduire quelques-uns des commentaires auxquels il donna lieu pour persuader l’opinion publique d’alors de l’efficacité de cette méthode supérieure de combat, adéquate au tempérament du brave soldat de France. C’est ainsi que les soldats, sous l’uniforme de Saint-Cyr, partirent au feu, au début de la grande guerre, en crâneurs, le plumet au shako et les gants blancs aux mains. Ils furent fauchés comme les blés un beau jour de moisson, et comme le furent, après eux, des milliers et des milliers de jeunes hommes, non professionnels, qui ne demandaient qu’à vivre et produire, et non pas à être massacrés sans trop savoir ni pourquoi, ni comment.

Il fallait l’Offensive parce que, selon le raisonnement des personnages galonnés, professionnels du massacre, la Défensive paraissait indigne de l’enthousiasme, de l’élan, du courage, de la fougue, de la maëstria, de la furia du soldat français. C’était aussitôt l’avis des fournisseurs d’armes et de munitions, des politiciens de tribunes, des journalistes et des rédacteurs de communiqués en phases élogieuses, masquant la barbare méthode offensive.

Mais copions de suite ce qu’en dit le Larousse :

Offensive. — Qui attaque, qui sert à l’attaque : Guerre offensive. Armes offensives. — Se dit d’un accord entre princes ou gouvernements, dont l’objet est de s’aider réciproquement pour attaquer les ennemis de l’un des contractants : Alliance offensive. — Qualification donnée à tout engin ou arme pouvant être employé pour porter des coups à l’ennemi pour l’attaquer, ainsi qu’à toute manœuvre ou opération ayant le même objet : Engin offensif. Marche offensive. Retour offensif. Mouvement exécuté par une troupe qui, ayant d’abord battu en retraite, reprend l’offensive, — N. f. Nom donné à la forme de combat par laquelle on attaque l’ennemi. Encycl. — Bien que l’assaillant d’une position semble, en général, devoir courir de plus grands dangers que le défenseur qui aura pu s’y abriter et fortifier à loisir, l’offensive n’en a pas moins ce grand avantage de permettre à celui qui la prend de choisir le point et l’heure de l’attaque ; tandis que le défenseur, obligé d’être toujours et partout sur ses gardes, est exposé à la fatigue et à la démoralisation. En outre, le succès n’est jamais pour lui que négatif, puisque le seul résultat qu’il retire d’un combat heureux, c’est de se maintenir dans ses positions.

« L’offensive seule donne de positifs et réels succès… » Telle est l’opinion du Larousse.

C’est ainsi que débuta la guerre de 1914-1918. De part et d’autre on s’ingénia pour appliquer, le plus impitoyablement possible, le système de l’Offensive. Ce fut à qui jetterait le plus vite la panique chez l’adversaire par un lancement audacieux de bombes par avions sur des villes populeuses en effervescence, visant surtout les gares et les usines. Bien entendu, le prétexte des représailles fut invoqué de chaque côté, très hypocritement, pour raviver la haine de peuple à peuple et entretenir, par le mensonge, la férocité guerrière. À ce moyen pervers pour influencer le moral du soldat, il