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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/50

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scientifique contre d’apparentes fatalités, afin qu’ils deviennent plus heureux et par conséquent meilleurs. »

La fondation de cette Ligue déchaîna la presse sportulaire qui réclama des mesures légales pour interrompre son action. Elle n’en vécut pas moins jusqu’en 1908. Pendant la période la plus active de son existence, de 1902 à 1908, Paul Robin fut secondé par quelques militants convaincus, notamment par Eugène Humbert. Sous leur direction un combat admirable fut mené, qui ne fut pas sans inquiéter les puissances gouvernementales. En 1908, une scission malheureuse se produisit. Le périodique de Paul Robin, Régénération, fut remplacé par Génération Consciente, que dirigeait Eugène Humbert, Rénovation, édité par les ouvriers néo-malthusiens, et le Malthusien, publié par Albert Gros. Le mouvement s’amplifiait. L’activité néo-malthusienne, correspondant à la baisse du taux de la natalité, fut de nouveau dénoncée comme dangereuse aux pouvoirs publics. Des poursuites furent intentées, des condamnations prononcées. La guerre interrompit la propagande. Sauf une tentative de G.Hardy (le Néo-Malthusien) faite pendant la guerre et que la censure entrava, aucun effort n’a été possible depuis, et la loi du 31 juillet 1920, une des lois les plus scélérates qui aient jamais été promulguées, interdit maintenant non seulement la propagande pratique anticonceptionnelle, mais même toute littérature « contre la natalité » ( !).

La propagande française provoqua des actions identiques en Espagne, en Italie, en Belgique, au Portugal, en Suisse, en Amérique du Sud, etc. Elle ne fut pas complètement étrangère à celle des États-Unis qu’illustrèrent les martyrs Moses Harman et Id Craddock. Dans ce dernier pays, où la propagande théorique de l’eugénisme et du néo-malthusianisme n’est pas prohibée, trois périodiques s’y livrent aujourd’hui : The Critic and Guide, du Dr W.-J. Robinson ; The Birth Control Review de Margaret Sanger et The Birth Control Herald, organe de la Voluntary Parenthood League. En 1923, Margaret Sanger a pu, à New-York, installer des cliniques où l’information anticonceptionnelle est donnée aux personnes atteintes de maladie héréditairement transmissibles. Depuis, d’autres cliniques s’ouvrent un peu partout, en se conformant aux lois des différents États et généralement en se limitant strictement à un eugénisme assez étroit.

Une Fédération universelle des Ligues malthusiennes a été fondée en 1900, au premier Congrès néo-malthusien. Un bureau international de secours fut également institué pour soutenir les militants néo-malthusiens poursuivis, ou condamnés. Ces deux institutions ont aujourd’hui disparu.

Quel est l’avenir du néo-malthusianisme comme doctrine et comme propagande ? Il est bien hasardeux d’exprimer une certitude à ce sujet. Il a pour lui un certain nombre de partisans parmi les plus savants biologistes, sexologistes et économistes étrangers. Beaucoup de personnalités qui poursuivent la réforme des mœurs sexuelles dans un sens scientifique, positif, approuvent le « birth control ». Havelock Ellis, Magnus Hirschfeld, Bertrand Russell, H.-G. Wells, etc. sont à la tête de mouvements ayant d’étroits rapports avec le néo-malthusianisme. Il est donc probable que la question reviendra, sous une forme ou sous une autre, en dépit des lois et de la conjuration formée tacitement par toute la presse pour étouffer la voix des néo-malthusiens. M. Mussolini lui-même en appelant cyniquement les Italiens à conquérir le monde par l’afflux de leurs naissances, appelle l’attention sur l’importance des problèmes que soulève la surpopulation. Il est possible que cette surpopulation européenne et mondiale, en rendant menaçantes, imminentes des guerres nouvelles et des famines, des révolutions sanglantes et sans cesse renouvelées, amène les gouvernements eux-mêmes, afin d’éviter des destructions effroyables, à prendre des mesu-

res pour modérer au moins l’accroissement de la population et la maintenir à un niveau qui rende moins âpre la concurrence entre nations et entre individus, moins précaire la vie des travailleurs. Ces mesures favoriseraient, en dépit de l’autorité elle-même, l’avènement de l’ère de prospérité générale et de bonheur individuel rêvée par les rénovateurs sociaux. — C. Lyon.

Bibliographie (langue française). — Malthus, Essai sur le principe de population. — J.-S. Mill, Principes d’économie politique. — J. Garnier, Du principe de population. — Général Brialmont, De l’accroissement de la population. — G. Drysdale, Eléments de science sociale. — Dr Minime (Lutaud), Le néo-malthusianisme. — Alfred Naquet, Religion, Propriété, famille ; L’Humanité et la Patrie ; Anarchisme et collectivisme ; Temps Futur. — Paul Robin, Le Secret du bonheur ; Pain, Loisir, Amour ; Libre amour, Libre Maternité ; Malthus et les Néo-Malthusiens ; Population et prudence procréatrice. — Gabriel Giroud, Population et subsistances. — Dr Elosu, Amour infécond. — Sébastien Faure, Le problème de la population. — Dr Ch.-V. Drysdale, Y a-t-il assez de subsistances pour tous ? — Manuel Devaldès, La chair à canon ; La brute prolifique ; La famille néo-malthusienne ; La maternité consciente. — Dr Gottschall, Valeur scientifique du malthusianisme ; La Génétique. — Gabriel Hardy, Malthus et ses disciples ; La loi de Malthus ; Socialisme et néo-malthusianisme ; La question de population. — Jacques Bertillon, La dépopulation de la France. — Paul Leroy-Beaulieu, La question de la dépopulation. — Elisée Reclus, Les produits de la terre. — Pierre Kropotkine, Champs, Usines et Ateliers. — Fernand Kolney, La grève des ventres, etc.

MALTHUSIANISME (NÉO). Le néo-malthusianisme ou, plus correctement, le néo-malthusisme, est une doctrine qui a pris pour base les enseignements de Malthus, mais en étendant jusqu’à l’eugénisme, ou procréation rationnelle, la portée de ces enseignements, et en leur fournissant des moyens d’application plus pratiques que ceux qui furent préconisés par l’auteur de l’Essai sur le Principe de Population.

Constatant que la faculté naturelle de multiplication des humains était hors de proportion avec leurs possibilités d’augmenter, dans le même temps, leurs moyens de subsistance, Thomas-Robert Malthus avait conclu que la misère, et tous les maux qui en résultent, ne pouvait disparaître qu’à la condition essentielle que la procréation fût, à toute époque, et dans chaque foyer, subordonnée aux ressources alimentaires acquises. Par pudibonderie, car il était pasteur protestant, Malthus ne voulut admettre tout d’abord, pour parvenir à ce résultat, que le moral restraint, c’est-à-dire la continence et le mariage tardif, ce qui n’est dans les possibilités que d’une minorité infime de gens, favorisés par la frigidité naturelle, ou le fanatisme religieux, et fait des plaisirs de l’amour un luxe réservé aux riches. Cependant Malthus se montra, dans la deuxième édition de son ouvrage, moins rigoriste, et il favorisa l’éclosion d’idées nouvelles en reconnaissant la difficulté d’application de son système, et en déclarant, sans légitimer pour cela les « passions vicieuses » que ces dernières représentaient, par leurs conséquences, un moindre mal que celui de la prolifération sans mesure dans des circonstances défavorables.

Complétant sa pensée, en apportant à ses conceptions plus d’audace, des disciples de Malthus, tel Francis Place, dans son livre intitulé Illustrations et Preuves du Principe de Population, eurent le courage de prétendre — ainsi que le fait ressortir dans sa remarquable thèse de doctorat en droit le Dr George Beltrami — qu’il n’est point honteux, pour des gens mariés, menacés par la misère, de recourir à des précautions préventives qui, sans compromettre la santé de l’épouse, lui permettent d’éviter un surcroît de progéniture. Ce fut