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1880

lité, des commissions pour l’arbitrage entre les villages et hameaux du canton ; des commissions s’occupant des relations extérieures, c’est-à-dire envoyant des délégués auprès des comités d’arbitrage des grands districts, région ou nation.

Des commissions pour l’instruction, pour l’approvisionnement, pour la distribution, pour le logement, pour l’hygiène, pour l’agriculture, pour l’industrie, etc., etc. — que sais-je encore ? En multipliant chacune de ces activités par trois, comme il vient d’être dit, cela donne une vie communale assez active. — Paul Reclus.

ORGANISATION (selon le socialisme rationnel). Toute organisation est l’effet d’un raisonnement, ce qui revient à dire que : organiser c’est raisonner. Le raisonnement est donc le seul organisateur, et comme le raisonnement réel est inhérent à l’homme, il s’ensuit que toute organisation se rapporte à l’humanité.

Ainsi, comme l’homme est le seul être qui raisonne, le sache et le prouve par le soin qu’il prend pour que son œuvre lui survive autant que possible, il s’ensuit que le bon ou le mauvais raisonnement crée l’organisation bonne ou mauvaise, selon qu’il est, lui-même, bon ou mauvais.

Il se produit cependant que l’organisation et le raisonnement, en harmonie à une époque donnée, soient mauvais pour d’autres temps. Cela a été, est, et sera tant qu’il n’y aura pas de vérité-mètre comme guide, comme critérium. L’humanité, si progressive pour ce qui est des sciences d’observation se rapportant à l’ordre physique n’a pas fait un pas dans la science du raisonnement, qui est la véritable science, puisque ce n’est que par lui que la vérité peut et doit être déterminée.

Le premier pas que l’Humanité fera pour s’intéresser à la connaître, la mettra en contact avec le but. La vérité réelle n’a pas de degrés ; elle n’est ni plus ni moins ; elle est. Quand elle sera acquise à la Société, l’humanité sera régénérée et l’organisation sociale pourra se faire à l’avantage de tous, mais pas avant.

Retenons bien qu’il n’est pas d’organisation générale véritable que celle de la société elle-même. Toutes les autres organisations relèvent, à un degré quelconque, de celle-là. Nous l’avons dit : pour mesurer sérieusement, il faut un mètre, et, quand la société vit dans l’ignorance de ce mètre, il arrive, fort souvent, que les calculs qu’elle fait portent à faux. Quand la vérité sera connue, la Société s’organisera, dans son intérêt vital, conformément à la raison, c’est-à-dire dans l’ordre et en toute justice. Elle constituera l’organisation morale.

De même, quand la Société organisera la propriété, les richesses en rapport du travail et du mérite de chacun, elle établira l’organisation matérielle. En attendant que la période de connaissance du droit métamorphose à l’avantage de la collectivité générale ce qui n’est établi que pour le profit de quelques-uns, l’organisation est toujours en danger. Nos législateurs ne s’embarrassent pas de tant de scrupules. A quoi servirait leur fonction s’il ne fallait pas replâtrer continuellement l’édifice qui chancelle au moindre souffle ? C’est sous le souffle de l’empirisme que se sont faites toutes les organisations. Ainsi, de l’organisation de la propriété générale dépend l’existence du prolétariat et la libération du travail ou son esclavage. Cette organisation touche au nœud de la question sociale, et d’elle dépend l’avenir de la société.

La propriété est, en principe, un droit absolu et égal inhérent à l’humanité générale, à la Société. L’organisation de ce droit est toujours dépendante de la nécessité temporaire qui domine l’homme social, actuellement représenté par quelques individus. La même organisation de propriété, même en époque de connais-

sance sociale, ne peut s’appliquer équitablement de la même manière à la propriété foncière et à la propriété mobilière. Ne pas distinguer attentivement dans les propositions d’économie sociale la richesse foncière, un sol général, de la richesse mobilière, c’est s’exposer aux erreurs les plus graves et aboutir à des mécomptes alors qu’on espérait des avantages appréciables.

Socialement et particulièrement, il est aisé de reconnaître qu’il y a un abîme entre la propriété foncière qui est la source passive de toute richesse et la richesse mobilière qui est le résultat du travail sur le sol ou ce qui en provient.

Sans la propriété foncière d’une part et sans le travail d’autre part, c’est-à-dire sans l’homme, l’Univers et ses richesses seraient comme si elles n’existaient pas. Que peuvent bien signifier à un cheval, un chien ou un singe, en dehors des besoins vitaux et instinctifs, toutes les richesses qui encombrent les magasins, usines et entrepôts ?

Le principe de la propriété qui a le sol pour assise et le travail pour fondement organisateur, ne saurait être mis en doute ; mais l’organisation de la propriété doit être rénovée profondément si l’on veut — autrement que comme hypocrisie, — que l’exploitation des masses disparaisse, en se rappelant, pour en tenir compte, qu’il y a plusieurs espèces de propriétés. Alors que la propriété foncière doit appartenir à tous, pour qu’il y ait ordre et liberté réelle, la propriété mobilière, qui représente les Produits du Travail, doit appartenir à ceux qui l’ont créée. Retenons que la dernière condition ne peut s’obtenir que par la mise en pratique de la première.

Mais pour espérer cette réalisation d’ordre économique et social, il est nécessaire que la pensée ait évolué vers la justice, qu’elle en soit arrivée à comprendre le véritable intérêt de l’Individu et de la Société. Sous le régime de la Foi, la pensée est organisée par la révélation, comme sous celui de la science et de la vérité, elle le sera par la raison. Actuellement, il y a incompatibilité entre l’éducation et l’instruction. La première reconnaît une morale — tout au moins pour le peuple — et la deuxième dans son matérialisme déterministe la nie. L’éducation est de la plus haute importance pour la société ; les hommes lui doivent leur première nature morale et leur seconde nature organique. Les souffrances dont nous nous plaignons sont l’inévitable conséquence de notre éducation et, par suite, de nos actes plus ou moins arbitraires.

De nos jours, la pensée se développant dans une atmosphère d’incertitude, elle reste soumise au doute, de sorte qu’elle ne représente aucune organisation scientifique. Sans but déterminé, en l’absence de tout principe, la pensée flotte au gré des passions d’un organisme dont elle est esclave.

Avant l’organisation de la pensée en accord avec la science et la raison, toute organisation du travail est chaotique et conduit socialement à l’absurde. Sur ce point, les exemples que nous offrent les démocraties contemporaines aussi bien que la république soviétique, nous prouvent que, dans aucun de ces pays, l’organisation du travail n’est établie sur des bases assez solides et justes pour être viables.

L’économie politique qui dicte ses volontés organisatrices se trouve dans l’obligation d’inaugurer, accidentellement, parfois des méthodes de dumping, d’autrefois elle s’intéresse à la rationalisation et dans chaque cas elle constate l’offre surabondante du travail pour une demande limitée à une seule catégorie de consommateurs relativement restreinte par rapport aux moyens de produire.

Il est du devoir de l’Économie Sociale de faire pressentir les funestes conséquences de cet état de choses, en même temps qu’elle doit faire sentir la bonté des effets salutaires qui résulteraient de l’organisation