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ORP
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ment, je ne puis l’exposer ici, où la place est réduite. Et je renvoie le lecteur à ma brochure sur « L’organisation des sans-famille du prolétariat », ainsi qu’aux mots de cet ouvrage où le problème est étudié (coéducation, école, éducation, enseignement, orientation professionnelle, etc…).

Je dirai seulement quelques mots de l’organisation matérielle de la maison familiale, me limitant aux lignes principales.

Nous tiendrons essentiellement à l’air et à la lumière ; aux grandes pièces claires, gaies, décorées avec goût, et faciles à tenir propres.

Le réfectoire sera spacieux, garni de meubles agréables, joliment décoré ; il se transformera le soir en salon de lecture et de délassement. Des fillettes y travailleront à un ouvrage personnel pendant que l’une d’elles fera une lecture à haute voix ; dans un autre coin, on dessinera ; un autre s’isolera dans une étude ; chacun, enfin, prendra la distraction qui lui conviendra le mieux. Les directeurs eux-mêmes prendront part à ces soirées ; ils y feront régner l’entente et le bon ordre, ne laisseront pas une causerie dégénérer en bavardages vains et frivoles ; ne permettront pas non plus qu’un enfant reste inoccupé, sans but, sans le désir de faire quelque chose. Et les réunions se termineront par une courte causerie de l’un des directeurs sur les événements de la journée ; puis, finalement, par quelques chants en commun. — La belle vie, n’est-il pas vrai, et combien différente de celle des orphelinats que nous connaissons ?

Le réfectoire, par exemple, ne servira pas de salle de jeux ; car alors il ne pourrait pas être aménagé comme nous le voulons. — Pour les jeux proprement dits, nous aurons une grande salle qui ne possédera que des bancs comme meubles, et où les enfants ne pourront ni rien endommager, ni rien briser. Ils ne s’y amuseront que mieux. Ce sera d’ailleurs surtout pour les jours de pluie et les mauvais jours de l’hiver. Car ils auront le plus possible des jeux de plein air.

Et les dortoirs ? Comment les disposerons-nous ? Si nous avons 30 enfants dans une maison, nous aurons en moyenne 15 garçons et 15 filles. Nous pourrons diviser ces 15 enfants en trois groupes. Nous aurons trois chambres de garçons et trois chambres de filles. Nous réserverons une de ces trois chambres aux enfants ayant atteint leur treizième année, que le voisinage des plus jeunes peut parfois gêner beaucoup, surtout en ce qui concerne les fillettes dont quelques-unes, vers leurs treize ans, sont déjà touchées par le travail de la puberté.

Dans ces conditions, nous éviterons le grand dortoir. Nos chambres pourront conserver un cachet de personnalité, d’intimité. Nous les ornerons avec goût ; elles seront simples, mais gracieuses. Dans chacune d’elles une grande armoire à compartiments distincts renfermera le linge et les objets personnels de chaque enfant qu’on pourra ainsi habituer au sentiment de responsabilité en l’obligeant à prendre soin de ses affaires. Le placard où seront suspendus les vêtements sera également placé dans leur chambre et sous leur responsabilité.

Le soin des affaires d’une petite fille sera confié à une fillette plus grande qui devra aider et surveiller la petite. Tout cela, d’ailleurs, ira fort bien pour les filles mais sera plus difficile à obtenir des garçons. Ceux-ci ne sont en général soucieux ni de leurs chambres, ni de leurs affaires et les mamans ont bien plus de difficultés à rendre leurs fils soigneux et ordonnés que leurs filles. C’est une question de tempérament.

Les directrices de nos maisons familiales feront comme les mamans. Elles répéteront souvent et avec patience les mêmes choses, elles surveilleront davantage les garçons.

Dans les deux chambres que nous réserverons aux plus grandes filles et aux

plus grands garçons, nous installerons pour chacun d’eux une petite table où il leur sera permis de lire, d’écrire, de travailler encore un peu de temps après l’heure du coucher général.

Ainsi, pour en revenir à ce que je disais dans la première partie, ils auront la sensation d’avoir là, dans leur chambre, leur petit coin personnel où ils se sentiront mieux chez eux.

Je m’en tiens là en ce qui concerne l’organisation des Maisons Familiales. La cuisine, les communs, pièces de réserve et de nettoyages, la salle de bains, les lavabos, les préaux, les cours de récréation, un petit jardin d’agrément dont je voudrais que soit pourvue chaque maison, tout cela n’a pas besoin de descriptions détaillées.



Sans vouloir m’appesantir ici sur la question de l’apprentissage, il me reste quelques mots à dire au sujet de nos grands pupilles, les enfants de 13 à 15 et même 16 ans.

Les pupilles qui auront atteint 13 ans continueront à faire partie de la maison de leur enfance. Ils se rendront aux heures déterminées aux différents cours professionnels. Ces cours seront choisis pour chacun selon les aptitudes et les goûts personnels révélés par les enfants.

Néanmoins, pour les fillettes, il sera bon qu’un roulement de travail les initie à toutes les besognes féminines dont la connaissance est indispensable à toutes les femmes, quelle que soit la profession qu’elles doivent embrasser. L’ordre intérieur, la cuisine, le repassage, le raccommodage, les éléments principaux de couture, toutes les connaissances, enfin, qui sont nécessaires à la mère qui veut assumer la tâche d’élever ses enfants et d’être une éducatrice sérieuse et éclairée en même temps qu’une maman dévouée et aimante.

Lorsqu’une jeune fille aurait atteint la quinzième année, il serait bon de lui confier de temps à autre la complète exécution de certains travaux ménagers, afin de se rendre compte exactement des connaissances qu’elle aura acquises dans cette partie. Enfin, c’est toujours en poursuivant le même but de l’éducation des jeunes filles que j’entrevois leur collaboration aux maisons maternelles.

Les garçons, eux aussi, lorsqu’ils auront 13 ans, devront concourir aux travaux domestiques de leur maison de famille. L’ordre, le nettoyage des cours, des salles de récréation, du jardin, les services du bois et du charbon, etc., seront autant d’occupations qui leur seront destinées. Remarquez, d’ailleurs, que j’estime que le garçon doit tout aussi bien que la fillette être prêt à rendre service dans la famille. Si j’insiste sur l’éducation ménagère des jeunes filles, c’est en prévision de leur futur rôle de mamans. Mais j’aimerais aussi qu’une jeune fille ait de l’adresse pour enfoncer un clou, scier une planche, clouer une caisse, etc…, petits travaux que, plus tard, elle sera heureuse de pouvoir exécuter elle-même. Que nos enfants, garçons ou filles, sachent se débrouiller et se tirer d’affaire eux-mêmes. Leur enseigner cela, ce sera leur rendre un précieux service.

Pour nos ateliers proprement dits, ils auront leurs programmes, comme les classes, et les professeurs manuels devront, eux aussi, agir avec ensemble, pour que les différents cours aient lieu aux mêmes heures de façon à prendre fin en même temps. Ceci pour permettre les heures d’études de nos jeunes adolescents.

Car nous tiendrons absolument à ce que l’enseignement professionnel n’empêche pas l’autre enseignement. En grandissant, l’enfant a besoin de moins d’heures de récréation, c’est-à-dire que l’étude, à cet âge, devient, elle-même, une récréation. Il est néces-