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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/592

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porté à la guerre. L’homme aspire au bonheur. Pour accepter la guerre, les souffrances et les misères qu’elle engendre, il faut qu’il y ait déformation de sa nature par la pression continue, sur son cerveau, d’un fanatisme nationaliste et d’une mystique guerrière obnubilant chez lui le simple bon sens. Ce fanatisme commence avec la première éducation donnée à l’école, par l’exaltation de la patrie, la méfiance à l’égard des étrangers, la haine même pour ceux qu’on appelle les ennemis héréditaires. Plus tard, la lecture des journaux, les fêtes et représentations patriotiques, le service militaire, l’armée, continueront l’œuvre de cette première éducation. Devenu adulte, l’individu sera le plus souvent incapable de réagir contre cette mentalité qu’on aura développée en lui pendant les vingt premières années de sa vie.

Il y a là, pour les éducateurs, matière à méditation. Si la paix est un état d’esprit, une manière de penser, il faut donc que la formation morale et intellectuelle de l’enfant tende toujours vers le principe d’harmonie. L’éducation de l’enfance devra servir la cause de la paix. Toutes les matières de l’enseignement seront soigneusement examinées. Non seulement la lecture et l’histoire peuvent servir l’esprit de violence en exaltant la guerre et les héros militaires ; mais encore une étude littéraire peut développer le nationalisme en glorifiant démesurément les écrivains d’un pays, en les déclarant supérieurs à tous les autres ; un simple devoir de grammaire peut prendre ses exemples dans les récits belliqueux.

Cependant, le rôle de l’éducateur ne se bornera pas au contrôle des livres et des matières enseignées. Il ne devra pas hésiter à condamner nettement la guerre et le recours à la violence entre les peuples. Il devra également dénoncer les injustices et les violences de la vie courante et de l’état social. S’il ne le fait pas, il risquera de rendre stériles ses efforts d’éducation pacifique par le contraste de cette éducation avec les tableaux que l’enfant pourra voir journellement autour de lui.

Tâche essentiellement délicate, car il convient de condamner le mal sans violence et sans haine, et d’attaquer l’erreur sans attaquer les hommes : les hommes se sont trompés ; leur ignorance a causé ce désordre et cette injustice que nous constatons, mais on ne peut pas condamner les hommes pour leur ignorance ; il faut les éclairer, faire appel à la raison ; c’est par l’esprit que l’humanité doit s’élever vers la vraie justice, génératrice de la véritable paix. Voilà ce que dira l’éducation rationnelle et sage.

Le premier travail de paix, dans l’école, sera la suppression des rivalités entre écoliers. Le classement, les tableaux d’honneur, les récompenses, sont des méthodes dangereuses. Ces usages, en favorisant les mieux doués intellectuellement, qui ne sont pas toujours les meilleurs et les plus courageux, développent l’orgueil et l’égoïsme des favorisés, font naître le ressentiment chez les moins bien partagés. Le sentiment d’une injustice subie, crée un état de révolte passive pernicieuse au développement moral. Qu’on se contente de comparer l’enfant à lui-même, et d’encourager ses efforts. Qu’on le stimule par le désir d’accroître sa valeur propre ; non en le comparant à tel ou tel de ses camarades, mais à ce qu’il fut le mois précédent ou l’année écoulée. Ce stimulant sera suffisant, si l’éducateur est conscient de sa tâche.

Puis enfin, l’éducateur rappellera souvent aux enfants dont il est responsable, la grande fraternité humaine à travers les âges, la solidarité naturelle qui relie l’homme à l’homme, et les peuples aux peuples. Il parlera des races dites inférieures avec bonté, les présentant comme des frères sans défense ayant droit à la protection des peuples plus cultivés et plus évolués. L’éducateur ne manquera jamais de faire appel

à la sensibilité, à la générosité, au désintéressement qu’on rencontre chez presque tous les enfants normaux. L’éducation donnée jusqu’alors a le plus souvent pour effet de cristalliser ces qualités qui sont cependant les sources de la vie spirituelle, et la condition du bonheur humain.

Les mères ont, naturellement, une importante part à apporter à ce travail de la paix par l’éducation. Premières éducatrices, ce sont elles qui donnent aux enfants la première orientation morale. Nous l’avons déjà dit, elles n’ont pas suffisamment compris, jusqu’à présent, ce rôle si délicat que l’humanité attend de leur mission maternelle. Le plus souvent, elles ont fait de leurs enfants des égoïstes, tout en croyant fermement travailler à leur bonheur. Ainsi faisant, elles les ont isolés de la communauté humaine.

Il faut savoir, ici encore, que la justice est à la base de l’harmonie du monde, et qu’il n’est pas possible d’assurer le bonheur de quelques-uns au milieu de la détresse générale. La mère intelligente et sage sera celle qui, sachant que son enfant n’est pas seul dans l’univers, l’élèvera dans le souci de l’humanité. Voulant son bonheur, elle voudra le bonheur de tous. Elle apportera sa contribution aux possibilités de ce bonheur commun en donnant à sa tâche maternelle une haute signification ; et son premier travail de paix sera la formation de cette âme enfantine qu’elle a pour mission d’élever vers le bien.

La première éducation de la paix consiste essentiellement à rendre l’enfant fraternel et bon. Plus tard on lui fera toucher des problèmes abstraits, où la philosophie et l’histoire entreront en jeu. Mais nous devons être persuadés qu’il ne les comprendra jamais si son âme d’enfant n’a point connu la générosité et la sensibilité. Le sentiment précède la pensée, qu’il stimule et éclaire, et nous ne pouvons penser que parce que nous sentons. Mais le sentiment, lui aussi, demande à être guidé et surveillé. Il faut aider nos petits à bien sentir, si nous voulons qu’un jour ils apprennent à bien penser. — Madeleine Vernet.


PALÉONTOLOGIE (du grec palaios, ancien, ontos, être, et logos, discours). La Paléontologie est loin d’être une science morte. Elle a fait ses preuves, elle est appelée à prendre une place de plus en plus importante parmi les connaissances humaines. Elle ouvre au philosophe des horizons infinis, et peut-être nous permettra-t-elle de percer, un jour, le mystère des origines. Elle s’appuie sur les autres sciences, qui, elles-mêmes, s’appuient sur elle. Son but est de démontrer que l’homme n’est pas né d’hier, mais d’avant-hier, et qu’au lieu de sortir comme une créature parfaite des mains du créateur, il a été lentement engendré par toute la série des êtres qui l’ont précédé. C’est dire qu’il y a deux paléontologies : la paléontologie animale et la paléontologie humaine. Mais esquissons brièvement l’histoire de cette science. Nous apercevrons mieux, ensuite, son but et ses moyens.

La paléontologie se préoccupe, avant toute chose, de l’étude des fossiles, animaux et végétaux, conservés entièrement ou en partie dans les couches géologiques. C’est dire qu’elle ne peut se passer de la géologie, qu’elle s’appuie sur elle pour la dépasser. On pourrait ergoter sur le mot « fossiles », et ne l’employer que pour désigner les débris des espèces éteintes. C’est dans ce dernier sens que nous l’emploierons ici, sens qui a fait souvent donner à la paléontologie le nom de paléozoologie lorsqu’elle s’est préoccupée des animaux enfouis dans les entrailles du sol, et celui de paléobotanique, quand elle s’est appliquée à l’étude des anciens végétaux. Ces débris se sont conservés sous certaines influences, qu’il serait trop long d’énumérer ici ; d’autre part, les espèces disparues offrent plus d’un rapport