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PAM
1936

avec les espèces actuelles. Elles permettent d’en mieux saisir l’évolution. L’évolution, mot qui n’a rien à voir avec les débuts de la science paléontologique, dont Cuvier peut être considéré comme le père. En remontant plus haut, on lui découvrirait des précurseurs chez les Grecs et chez deux ou trois savants des xvie et xviie siècle. Ce n’est que lorsque la géologie a vraiment existé que la paléontologie a pu exister à son tour. Cuvier, dans les Ossements fossiles et son Discours sur les révolutions du globe, publiés dans la première moitié du xixe siècle, a énoncé les grandes lois de la paléontologie. Mais Cuvier, savant officiel, respectueux de toutes les traditions, et ses disciples immédiats, prenant à la lettre son enseignement, n’avaient pas voulu entendre parler d’évolution. Et si, comme le savantasse Elie de Beaumont, ils affirmaient l’ancienneté de certains animaux fossiles, ils ne voulaient rien savoir en ce qui concernait l’ancienneté de l’homme fossile, qu’ils faisaient naître, avec la Bible, 4.000 ans avant notre ère, et ils proclamaient sur un ton qui ne souffrait point de réplique : « L’espèce humaine n’a jamais été contemporaine de l’Elephas primigenius ». Le règne animal a évolué paléontologiquement, et l’homme, bien qu’apparu le dernier sur la terre, remonte sans doute à des millions d’années ! Certains savants ont essayé d’accorder la paléontologie fondée sur la doctrine de l’évolution avec l’enseignement de l’Église, tel Albert Gaudry qui se fit l’ardent défenseur de l’hypothèse évolutionniste. Cette hypothèse ne s’opposerait pas, comme le croyaient Cuvier et ses disciples, aux dogmes chrétiens.

L’étude de l’anatomie comparée avait été pour Cuvier une révélation. Elle l’avait mis sur la voie d’admirables découvertes. Il compara les formes disparues aux formes vivantes. Alcide d’Orbigny, Charles Lyell, Lamarck et Darwin ont contribué, autant que lui, à jeter les fondements de la paléontologie. Albert Gaudry, dans ses Enchaînement du Règne animal, achève de donner à cette science droit de cité parmi les autres.

La paléontologie a ressuscité tout le passé de l’homme et de l’animal, dont les ossements ont été conservés dans les couches terrestres, formant comme les feuillets d’un grand livre qu’on pourrait appeler, avec Haeckel, la création naturelle. La phylogenèse nous fait assister à l’évolution de l’espèce dans le sein de la terre, elle est confirmée par l’ontogenèse ou constitution de l’être dans le sein de la mère. L’embryologie vient ainsi en aide à la paléontologie. Cette dernière a aussi d’étroits rapports avec la Préhistoire : elle est une de ses sources.

Nous ne ferons pas ici l’histoire des espèces qui se sont succédées dans les couches géologiques, ni l’étude du fœtus humain ; bornons-nous à dire que l’embryon passe, dans le sein maternel, par tous les états par où sont passés les espèces animales. C’est une récapitulation synthétique, les étapes du règne animal l’ont franchie rapidement. Ne subsiste que l’essentiel.

On sait que les terrains ont été divisés en primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires, et que chacun d’eux comporte lui-même des divisions. La paléontologie a recueilli dans ces différents terrains des traces des animaux et de l’homme. Elle projette sur le mystère des origines humaines d’éclatantes lueurs. Alliée aux sciences connexes, elle nous met sur la voie de la vérité, de la vérité sans majuscule, qui nous dispense de recourir à l’hypothèse d’un Dieu ayant tiré le monde du néant, et fabriqué de toutes pièces, dans le Paradis terrestre, une créature parfaite. Désormais, on ne peut plus croire à ces balivernes. Elles cessent d’avoir cours. Seuls les cerveaux anémiés peuvent encore l’invoquer pour expliquer l’existence du ciel et de la terre. — Gérard de Lacaze-Duthiers.

Bibliographie sommaire (et récente) : Albert Gaudry : Les Enchaînements du Monde animal, les ancêtres de

nos animaux dans les temps géologiques, Contemporanéité de l’espèce humaine et de diverses espèces animales aujourd’hui éteintes. — Boucher de Perthes : Des Arts à leur origine. — A. Nittel : Traité de Paléontologie. — Hornes : Manuel de Paléontologie. — Marcellin Boulé : Les Hommes fossiles. — Gérard de Lacaze-Duthier : Philosophie de la Préhistoire. — L. Joleaud : Éléments de paléontologie. — F. Roman : Paléontologie et Zoologie. — Binet-Sanglé : Nos ancêtres. — Goury : Origine et évolution de l’homme. — S. Blanc : Initiation à la Préhistoire. — Verneau : Les origines de l’Humanité, etc…


PALLIATIF n. m. On désigne par ce terme ce qui n’a qu’une efficacité incomplète ou peu durable. Dans l’ordre médical on qualifiera ainsi un remède qui peut soulager, mais non guérir ; dans l’ordre moral, le palliatif sera la demi-mesure qui masque le mal sans le faire disparaître. Notre science étant fragmentaire, nos moyens d’action limités, il faut bien se satisfaire de palliatifs, quand les procédés d’une efficacité certaine font défaut. Ainsi, lorsqu’il s’agit de souffrances intolérables ou de maladies impossibles à guérir, la morphine devient prodigieusement utile. Sous son action, la douleur se dilue, disparaît et une impression de bien-être envahit l’organisme. De même la cocaïne est précieuse pour ses vertus anesthésiantes. Mais si elles suppriment la douleur, elles n’en font pas disparaître la cause. L’abus de ces drogues conduit aux pires conséquences. « Puisse la science découvrir un médicament qui, sans offrir de dangers sérieux, terrasse la douleur organique de façon définitive. Les stupéfiants actuels entraînent des désordres trop graves pour qu’on ne répugne pas à leur emploi quotidien » (Vers l’Inaccessible). Si le palliatif peut devenir dangereux dans l’ordre physique, c’est bien autre chose dans l’ordre moral. Le plus souvent, il n’est qu’une secrète abdication, un moyen hypocrite de détourner l’attention du seul remède efficace. « Quand l’Église conseille l’aumône, c’est pour prévenir une révolte des exploités : grâce au mirage d’une charité illusoire, l’injustice créatrice de misère peut subsister. L’usinier, devenu millionnaire en tournant des obus, sacrifiera de bon cœur quelque cents francs aux œuvres de mutilés. Deux ou trois billets, donnés aux pauvres ostensiblement, suffiront à blanchir le mercanti qui, un quart de siècle, rançonna ses clients. » Nous rencontrons de prétendus amis de la paix, qui, désespérant d’empêcher la guerre, à ce qu’ils assurent, se bornent à vouloir l’humaniser. Ils acceptent qu’on se tue avec la baïonnette, le fusil, le canon, etc., mais prétendent interdire l’emploi des gaz. Ils se résignent au massacre des soldats, mais souhaitent qu’on laisse indemnes les civils, ceux des grosses agglomérations en particulier. Le soi-disant anticléricalisme de certains cache un profond respect de la religion. Ce n’est pas contre les Davidées, c’est contre Barbedette et ses amis que sévissaient encore récemment des politiciens de gauche arrivés au pouvoir. On pourrait multiplier les exemples, car en politique surtout, les mesures qualifiées d’utilité publique ne sont, en général, que des palliatifs insuffisants. Heureux quand elles ne fortifient pas un mal qu’elles prétendaient guérir.


PAMPHLET Ce mot, venu d’Angleterre et répandu en France depuis l’invention de l’imprimerie, a eu son origine dans le vieux mot composé français, palme-feuillet, dont la signification était : « feuillet qui se tient dans la paume de la main. »

A cause de sa commodité, on se servit de ce feuillet pour répandre des écrits qu’on voulait propager en grand nombre, et on prit l’habitude d’appeler pamphlets non seulement les feuillets, mais aussi les écrits qu’ils contenaient. La forme du pamphlet se prêtait re-