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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/603

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PAP
1946

Sujet de l’empereur byzantin, l’évêque de Rome le trahit et s’affranchit de sa tutelle. Puis, grâce à la naïveté des rois Francs, il s’adjuge la souveraineté d’un nouvel État (752). La puissance temporelle de la Papauté est fondée.

Les premiers papes ont su spéculer à merveille sur l’ignorance et la crédulité de leurs fidèles encore barbares et terrorisés par les dogmes de la religion. Pour les berner, on fabriqua des faux documents par centaines. Ce ne sont pas seulement les fameuses Décrétales, base essentielle de la Papauté, qui sont fausses. Tout est truqué, altéré, déformé, falsifié ou inventé de toutes pièces ! Les canons des Conciles, les lettres des empereurs et des rois, leurs prétendues donations aux papes, les bulles même et les écrits attribués aux premiers évêques de Rome, tout est l’œuvre de faussaires très pieux, travaillant obstinément à travers les siècles à donner une base inébranlable à la puissance papale. La plupart des documents invoqués par les papes pour justifier leurs prétendus droits sont apocryphes ou altérés !

Base bien immorale pour… la plus grande puissance morale ( ?) du monde !

« De sorte, pourrait-on ajouter après la lecture des travaux de Doellinger et de Friedrich, que plus la critique pénètre dans les origines de l’Église chrétienne, plus on en vient à se demander s’il nous reste un seul document authentique des origines du Christianisme, et lequel ? » (Professeur Giraud-Teulon. traducteur de « La Papauté », d’Ignace de Doellinger.)

Voici ce que l’abbé de Meissas écrit de son côté, sur les fausses Décrétales :

« On sait que ce recueil contient avec d’autres pièces apocryphes de fabrication antérieure, comme la donation de Constantin (par cette fausse donation, les Papes prétendaient fournir la preuve que l’empereur leur avait donné la possession légitime de l’Italie), 94 lettres papales, allant de saint Clément (fin du Ier siècle) à Grégoire II (+731). Grâce à l’ignorance et au défaut de critique de tout le clergé au ixe siècle, les Papes, dont elles faisaient l’affaire, s’appuyèrent sur elles à partir de Nicolas I, en 865. En 1151, elles furent introduites dans le décret de Gratien, où elles devinrent définitivement la base d’un droit ecclésiastique inconnu aux premiers siècles.

L’imposture fut peut-être soupçonnée, reconnue même de bonne heure, par plus d’un savant mais il était alors trop dangereux de passer pour une personne pensant mal des choses de la sainte foi catholique (style de l’Inquisition). Les premiers qui osèrent exprimer leurs doutes furent le cardinal Nicolas de Cusa (+1464), Laurent Valla (+1465) et Jean de Torquemada (+1468). L’imposture fut définitivement démontrée par les protestants, savoir les Centuriateurs de Magdebourg en 1560 et David Blondel (+1655). L’Index a vainement essayé d’étouffer leurs voix ; tout le monde est aujourd’hui fixé. Mais le mal était fait et la Papauté est restée en possession de cette omnipotence absolue, que personne ne lui reconnaissait encore avant les fausses décrétales. »

La cause est donc entendue. Le chanoine Doellinger ( « le théologien le plus illustre de l’Église catholique et l’une des gloires scientifiques de l’Allemagne au xixe siècle » ) a pu écrire : « Aucune des anciennes confessions de foi, aucun catéchisme, aucun des écrits des Pères de l’Église destinés à l’instruction religieuse du peuple, ne contiennent un mot du pape : encore moins, une allusion à l’obligation de ne chercher qu’auprès de lui la certitude en matière de foi et de doctrine. Aucun point de la doctrine, pendant le premier millier d’années de l’Église, n’a été reçu comme valablement décidé par une sentence papale ».

La Papauté est le fruit du mensonge, de l’imposture et de l’intrigue. Source empoisonnée, dont ne pouvait sortir qu’une institution malsaine, ainsi que nous allons le montrer.

Fin de la démocratie chrétienne. — Le premier résultat de cette évolution fut que l’Église perdit le caractère semi-démocratique qu’elle avait eu à ses origines.

Prêtres et évêques étaient alors élus directement par les fidèles. Il en fut de même pour certains papes, tels que saint Ambroise, élu par le peuple, bien qu’il ne possédât aucun titre ecclésiastique.

Jusqu’alors, les questions dogmatiques avaient été librement discutées dans les synodes et les conciles. C’était l’assemblée des évêques qui les tranchait et qui décidait. Le pape ne pouvait imposer aucune idée personnelle, à moins qu’elle n’eût été approuvée et confirmée par les évêques.

Les évêques refusaient parfois de s’incliner devant les papes ; c’était ceux-ci qui devaient baisser pavillon devant les décisions des conciles.

Au viie siècle, ne s’est-il pas trouvé un concile pour condamner la mémoire du pape Honorius Ier, convaincu d’hérésie et dont les écrits furent livrés aux flammes ? Les légats romains assistaient à ce grand Concile, parlant au nom de l’Église tout entière. On était encore loin de la ridicule infaillibilité des Papes !

En 824, les évêques réunis au Synode de Paris blâmèrent les « absurdités » du pape Adrien, qui avait ordonné, disaient-ils, une adoration superstitieuse des images. (La chose n’a pas grande importance, puisque le Cardinal Bellarmin a prétendu qu’il fallait suivre les enseignements des papes, fussent-ils hérétiques, faute de quoi l’autorité de l’Église serait dangereusement ébranlée. Un théologien de Mayence, Erbermann, assurait qu’un pape tout à fait ignorant pouvait être quand même infaillible « puisque, autrefois, Dieu avait indiqué le bon chemin aux hommes en faisant parler même une ânesse ». (Doellinger.)

Le Pape Étienne VII fit déterrer le corps du Pape Formose, son prédécesseur. On le dépouilla de ses ornements, on lui coupa les doigts et la tête et ses débris furent jetés dans le Tibre. Les ordinations faites par Formose furent annulées par Étienne VII. Mais celui-ci fut bien vite étranglé et ses successeurs Théodose II (qui régna 20 jours !) et Jean IX le désavouèrent à leur tour — et replacèrent Formose dans son tombeau ! L’infaillibilité des représentants de Dieu était soumise à de singulières (et barbares) fluctuations.

D’autre part, les papes n’avaient aucune part à la convocation des synodes. Tous les grands synodes ont été ordonnés par les empereurs, qui ne consultaient même pas les papes. Ces derniers n’en eurent même pas toujours la présidence (Doellinger). On voit par là que leur « primauté » ne leur procurait pas des avantages bien sensibles.

Bien entendu, à ces époques, il n’y avait pas de Curie romaine. Personne ne demandait au pape de dispense, ne lui versait de taxe ni d’impôt. Tout cela a bien changé par la suite.

Il faut reconnaître que les manœuvres des évêques de Rome furent facilitées par la dissolution de l’empire romain et les invasions des barbares. A la faveur de ces désordres, ils s’emparèrent aisément du pouvoir.

Les Croisades contre les Infidèles constituent une des plus grandes hontes de la Papauté. Au cours de ces guerres stupides, on fit d’horribles hécatombes (par exemple, sur 800.000 croisés, il n’en arrivait que 50.000 aux Lieux « Saints » ). Qu’importait aux Papes, désireux d’accroître leur puissance à tout prix !

Et leurs conflits avec les rois, par suite de leurs exi-