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PAP
1947

gences Faut-il rappeler leur résistance à la Pragmatique Sanction ? Faut-il rappeler le crime de la condamnation des Templiers ? Il y aurait trop à dire….

Même la condamnation des Jésuites, au xviiie siècle, dont on serait tenté de féliciter la Papauté (comme une de ses rares bonnes actions) ne fut décidée qu’à contre-cœur. Au fond, le Pape Clément XIV était favorable aux Jésuites ; il ne les condamna que parce qu’ils avaient soulevé contre eux une réprobation universelle par leurs méfaits — et parce qu’il craignait, en se solidarisant avec eux, de provoquer un schisme dans l’Église.

Chaque pape s’employa, à tour de rôle, à conserver et à accroître sa puissance, mais ce fut Grégoire VII, habile, énergique, sans scrupule, qui développa au plus haut point l’absolutisme papal et ses successeurs ne firent que s’inspirer des principes et de l’exemple qu’il leur avait légués.

L’ambition des papes ne connut plus de bornes. Par l’Inquisition, ils ne reculèrent devant aucune atrocité pour imposer leur joug aux populations. Les rois tremblaient devant eux, car ils excommuniaient quiconque leur résistait, allant jusqu’à délier les sujets des rois hérétiques ou excommuniés de toute obéissance à leur égard, excusant ainsi la révolte et le régicide. En d’autres circonstances, les Papes avaient la prétention de disposer des royaumes ; ils enlevaient la couronne à tel monarque indocile pour la donner à un autre roi ou à un seigneur choisi parmi leurs plus dévouées créatures. Que de conflits et de guerres sanglantes ont été produits par cette insupportable prétention de la Papauté ! Maîtres du monde, pasteurs des âmes, représentants de Dieu, n’étaient-ils pas qualifiés pour gouverner les nations, par dessus la tête des potentats éphémères, qui n’avaient reçu le glaive que pour servir Dieu et son Église ?

Alexandre VI donna au roi d’Espagne toutes les terres que l’on découvrirait à cent lieues des Açores, à la seule condition d’en faire évangéliser les habitants (et pour cause). Quel titre avait le Pape sur l’Amérique, pour la « donner » aux barbares conquistadores qui devaient exterminer les malheureux Indiens ? Il y eut une grande dispute, car le pape Eugène IV l’avait déjà donnée (l’Amérique), aux Portugais. Mais les Espagnols eurent, finalement, raison, parce qu’ils étaient les plus forts et qu’ils s’appuyaient sur un pape vivant, tandis que les Portugais ne pouvaient invoquer qu’un pape mort ! (Meissas).

En 1215, Innocent III attaqua furieusement la Magna Charta anglaise, la plus ancienne et la plus vénérable des constitutions européennes, parce qu’elle ne faisait pas une part assez grande à l’absolutisme romain.

Pie VI n’essaya-t-il pas, plus tard, de briser l’œuvre de notre Révolution française ? En opposition à la Constitution civile du clergé, n’a-t-il pas suscité le plus féroce des conflits, en poussant les Chouans à la « guerre sainte » ?

Le dernier grand concile fut le Concile de Trente. Les papes supportaient mal ces grandes assemblées, où l’on discutait trop librement à leur gré. Ils les considéraient comme des obstacles à leur autocratie.

Les Papes mirent tant d’obstacles au Concile de Trente, ils l’interrompirent et le suspendirent si souvent, qu’il se prolongea 18 ans ! (de 1545 à 1563). La Papauté craignait d’être mise en cause au cours des débats, mais elle manœuvra si habilement qu’elle finit par lasser ses adversaires et par éviter le danger.

La Papauté devint une monarchie vraiment absolue.

Ce fut, à l’intérieur même de l’Église, une atmosphère étouffante. On la respire aujourd’hui encore… Le célibat fut imposé aux prêtres, afin de pouvoir les dominer plus aisément.

Le pape eut le pouvoir de fabriquer lui-même les lois

de la Chrétienté, de les modifier ou de les supprimer à son gré et sans consulter personne. Jamais aucun monarque ne posséda une puissance aussi arbitraire.

Dans la pratique, le Pape était souvent un instrument entre les mains de son entourage. La Curie romaine s’était formidablement développée ; elle était devenue la plus forte bureaucratie qui ait jamais existé dans le monde. Le Pape était le prisonnier de la Curie, qui, de son côté, n’obéissait qu’aux appétits les plus cupides et aux ambitions les plus exagérées.

Par la suite, la Compagnie de Jésus devait s’infiltrer dans l’entourage du Pape et régner sur le Vatican. Nous voyons aujourd’hui fleurir sous nos yeux les conséquences ultimes de la politique des jésuites, devenus, par leur ingéniosité, leur patience et leur astuce, les véritables maîtres des Papes et de l’Église catholique.

La « démocratie » chrétienne reçut le coup de grâce en 1870, au Concile du Vatican, qui admit le dogme stupide de l’Infaillibilité du Pape. Il y eut cependant des résistances, puisque 451 prélats seulement, sur 700, s’inclinèrent lors du premier vote, devant la volonté de Pie IX. Voilà une infaillibilité ( !) qui tenait à peu de chose.

La plupart de ces prélats était entraînés par l’appât des faveurs et des prébendes. Ils votèrent par calcul, par intérêt, plutôt que par faiblesse ou par sottise, ce qui fut pourtant le cas de quelques-uns.

Parmi les opposants se trouvaient les hommes les plus distingués, intelligents, sincères. Ils durent s’incliner, la mort dans l’âme, devant le triomphe des Jésuites, qui faisait de la religion chrétienne, un véritable fétichisme, basé sur le culte d’un homme infaillible et sacro-saint !

Prétendue sainteté de la Papauté. — Plus la papauté acquérait de puissance, plus vite elle dégénérait, sombrant dans l’immoralité la plus choquante.

Les compétitions les plus ardentes ne tardèrent pas à se déchaîner autour du trône pontifical. Il ne m’est pas possible, dans cette courte étude, de multiplier les exemples, car c’est toute l’histoire de la papauté, très détaillée, qu’il faudrait faire pour montrer la bassesse et l’avidité des prétendus représentants de Jésus.

Bornons-nous à quelques exemples. « De 883 à 955, pendant plus de 70 ans, l’Église romaine vécut dans l’humiliation et dans la servitude : la chaire apostolique était alors la proie et le jouet des factions rivales de la noblesse et fut même livrée, pendant un certain temps, aux mains de femmes ambitieuses et débauchées. » (Doellinger). Au xie siècle, ce fut encore pire : « Le trône pontifical fut alors vendu et acheté comme une marchandise ; trois papes, à la fois, se disputèrent jusqu’à ce qu’enfin, l’empereur Henri III parvint à arrêter la dissolution de la papauté en plaçant des évêques allemands sur le siège de Rome. »

A l’origine, les Papes étaient sous la dépendance des Empereurs (le droit de veto, conservé par l’Empereur d’Autriche jusqu’au démembrement de son empire en 1918, n’était pas autre chose qu’un vestige de cette dépendance). Une fois élu, le Pape ne commençait à régner de façon réelle qu’après avoir reçu l’exequatur impérial. Cette vassalité cadrait assez mal avec le caractère prétendu surnaturel et sacré de la Papauté.

Lorsque les Papes se furent émancipés de cette tutelle, lorsqu’ils se sentirent assez forts pour essayer de faire trembler les empereurs et les rois, lorsque la chrétienté fut soumise à leurs caprices, leur ambition devint illimitée.

Ils poussèrent la folie jusqu’à se mettre au-dessus des principes sociaux et moraux imposés aux vulgaires mortels.

« En 1610, la Rota de Rome rappelle que les concordats entre le pape et les princes, étant un privilège accordé par le Saint Siège, celui-ci n’est jamais lié