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blessés, dresser contravention. Ils sont parfois bêtes, souvent méchants, mais tout le monde les connaît.

Il est une catégorie de policiers qui prétendent épouser la forme bourgeoise de vêture. Le naïf seul les croit « de la secrète ». Il y a dans leur démarche, leur regard, un indéfinissable ton de vilenie qui les classifie immédiatement « animal dangereux » ou « piège à loups ». Ceux-là tendent les lacets, sinon avec science, du moins avec assez d’impudeur, pour que s’y prennent les pauvres lièvres du vol et du crime ou les buses étourdies. Les rongeurs et les grands rapaces, non plus que les fauves, ne craignent leurs rets. Vivant du voleur, de l » assassin, de la putain et du souteneur, pour nécessiter leur état, s’ils n’existaient pas, ils inventeraient le vol, le crime, la prostitution et le maquereautage.

C’est dans la catégorie des agents « en bourgeois » que se recrutent les agents politiques, de beaucoup les plus bas, les plus vils, ceux dont les moyens sont le mouchardage et la provocation. Leur but, leur unique but, c’est de garantir le Pouvoir de la critique parlée ou écrite et de l’action individuelle ou sociale ; sûrs d’être couverts en toutes circonstances par les maîtres du jour, il n’est pas d’ignominies qu’ils se refusent. Se glisser auprès de l’ennemi possible, gagner sa confiance, s’en faire un ami, afin de surprendre ses pensées et ses actes, puis le dénoncer, le vendre salement. Afficher dans un groupement où l’on a pénétré, les idées des « copains », les pousser à agir, leur en procurer les moyens, puis, quand ils sont irrémédiablement compromis, les vendre, pour gagner quelque argent ou mériter quelque galon. Qu’importent les douleurs, les désespoirs, la mort même, de ceux qui l’avaient reçu comme un frère ! Le policier fait son métier. Triste métier !

Mais a-t-il du moins quelque utilité ? Le mal qu’il fait, la laideur qu’il répand, sont-ils compensés par du bien, de la joie, de la beauté ? Sous l’œil tutélaire de la police, les beaux sentiments, les joies fécondes, peuvent-ils s’épanouir ?

Indépendamment des déformations professionnelles nécessaires, la police prétend : a) Préserver les biens ; b) Préserver les personnes ; c) Assurer l’ordre. Voyons ce qu’il en est.

Préserver les biens : Dans nos société policées, toutes les richesses : sol, sous-sol, instruments de travail, produits du travail, tout est la chose, le bien, la Propriété (voir ce mot) de quelques-uns ; les autres, de beaucoup la plus grande quantité, ne possèdent rien. Or, ceux qui possèdent toute la richesse sociale, ce sont ceux qui précisément n’ont jamais participé à sa production et ceux qui ne possèdent rien, ce sont ceux qui ont produit toute cette richesse. La police n’a donc pas défendu les producteurs contre les accapareurs, les profiteurs — Non pas. La loi sanctionne le fait, de cette dépossession du grand nombre des producteurs par le petit nombre des profiteurs. Et la Police veille à l’exécution de la loi. C’est-à-dire que le rôle de la Police, sous prétexte de défendre les biens, est de défendre les voleurs contre les protestations et les révoltes des volés.

Utile la Police ? Socialement utile ? Qui l’oserait soutenir ?

Préserver les personnes : et d’abord, qui préserve les personnes du bon plaisir de la Police ?

Pour conserver les biens qu’ils ont dérobés aux producteurs, quelques exploiteurs tuent à petit feu, par manque d’hygiène, de repos, de saine nourriture, de logements spacieux, d’air pur, les neuf dixièmes de l’humanité. Pour leurs profits, ces exploiteurs déclenchent des guerres où l’on fait souffrir, puis périr des millions de producteurs. La Police empêche-t-elle que l’on tue par privations ou par la guerre ? Défend-elle ces millions de producteurs, de personnes, contre les exploiteurs qui les tuent ? Que non pas ! Lorsque les victimes veulent se révolter contre leurs bourreaux, la police

frappe les victimes, les emprisonne, les tue. La police défend la personne des quelques exploiteurs de la juste révolte des millions de producteurs spoliés.

Peut-on dire que la Police est socialement utile à la préservation des personnes ? Non pas !

Garantir l’ordre ! Quel ordre ? Est-ce l’harmonie sociale que nous rêvons, où tous les humains, fraternellement unis, s’aideraient à se faire une vie toujours plus belle et joyeuse ? Non, non. L’ordre (voir ce mot) que garantit la police, est l’état social actuel. Cette richesse de quelques-uns, faite de la misère de tous les autres, cette constance dans l’insécurité et dans la douleur, tel est l’ordre que la police garantit. Toute amélioration, toute modification apportée à cet ordre épouvantable, lui paraît désordre et elle sévit durement contre les « fauteurs de désordre ».

Inséparable de l’Ordre actuel, la Police est une institution qui doit disparaître avec cet ordre. Le vol disparaît avec la Propriété individuelle ; le crime avec l’intérêt ; le désordre avec l’Etat. — A. Lapeyre.


POLITESSE (de l’italien : politezza). Manière d’agir et de s’exprimer conforme aux usages reçus dans une société. Ces usages varient suivant les régions et selon les époques. Ils sont ainsi parfois contradictoires. Cependant ils sont inspirés toujours par deux sentiments très estimables : le souci de la dignité personnelle et le désir de plaire à autrui. Il ne s’agit donc nullement d’un préjugé, encore moins de coutumes condamnables, bien qu’elles puissent être, en certains cas, avantageusement modifiées et remises en discussion. La politesse est une forme de la sociabilité. Certains démagogues en ont pris ombrage, sous prétexte qu’elle est en honneur dans les milieux aristocratiques. Comme si l’esprit révolutionnaire devait consister, non à se conduire selon la raison, mais à faire, en chaque circonstance, exactement le contraire de ce que font les bourgeois !

La véritable courtoisie est faite de simplicité cordiale à l’égard de tout le monde, surtout envers les plus humbles ; et elle vise à la bonne tenue, à la grâce dans le geste, par respect pour soi-même et pour les autres. Elle n’a pas lieu d’être confondue avec l’attitude guindée, et le ton impertinent, les courbettes excessives, les propos ennuyeux à force d’être mesurés, qui furent de bon ton naguère, et qu’affectionnent encore de ridicules parvenus. Il serait injuste de la taxer d’hypocrisie. Les règles élémentaires de la solidarité, et de la déférence réciproque, dans les relations de chaque jour, n’ont rien à voir avec la duplicité. La flatterie excessive, l’obséquiosité intéressée pourraient seules mériter une telle accusation. Mais on peut être poli sans jamais recourir à d’aussi vils procédés. D’ailleurs, la franchise n’est pas plus à confondre avec la brutalité, que la modestie avec le sans-gêne ou la grossièreté.

Lorsqu’une personne est disgraciée par la nature, faut-il pousser l’amour de la vérité jusqu’à lui rappeler qu’elle est laide, ce que son miroir ne lui révèle que trop ? N’est-il pas plus charitable de prêter attention à quelque détail avantageux de son physique, tout en paraissant ne s’apercevoir point du peu d’harmonie de l’ensemble ? La sincérité ne consiste pas à dire tout ce que l’on pense, mais à penser tout ce que l’on dit. Et lorsque l’on pense des choses qui pourraient être attristantes pour autrui, sans aucune nécessité, le mieux est de se taire, de réserver son courage civique pour des occasions plus profitables.

Il n’est pas de règle de politesse puérile et honnête qui ne puisse se justifier par des raisons valables, ce qui ne signifie point qu’il faille, à l’instar des snobs, se plier aveuglément à tous les caprices de la mode. S’il est convenable qu’un homme, qui n’est ni infirme ni accablé de fatigue, cède sa place, s’il est assis, à une femme demeurée debout, ce n’est point en vertu d’une sorte de religiosité à l’égard du sexe féminin, mais