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Agatocle assiégea la ville ; de plus, trois cents personnes s’offrirent en holocauste. Le Moloch carthaginois était une statue d’airain ; grâce à un mécanisme spécial, ses bras se relevaient, précipitant la victime dans une fournaise intérieure. En d’autres régions, on enfermait l’adulte ou l’enfant dans une statue d’airain chauffée au rouge. Des danses et des chants avaient lieu, avec accompagnement d’instruments de musique, pour couvrir les cris du malheureux qui agonisait. A côté des baals et des molochs, il y avait d’autres dieux moins féroces : citons Astarté, l’Aphrodite des Grecs, et Adonis, jeune et beau chasseur, que les femmes pleuraient, chaque année, le jour anniversaire de sa mort. Parmi les modernes, plusieurs refusent d’ajouter foi aux récits de Diodore et pensent que le sacrifice des enfants ne consista, de bonne heure, qu’en un simulacre, en une comédie rituelle. Espérons qu’ils disent vrai ; mais les religions ont provoqué tant de crimes que le contraire, hélas ! est loin d’être impossible.

Le panthéon brahmanique, à l’époque des Védas, était composé de dieux personnifiant les forces naturelles. Au nombre de 33, et ignorant toute hiérarchie, ils régnaient les uns au ciel, d’autres sur la terre, d’autres dans la région intermédiaire. Les grands dieux de l’Inde actuelle ne jouaient pas un rôle important. Aujourd’hui, dieux et déesses pullulent au pays de Gandhi. Vishnou et Siva sont honorés sous mille formes ; mais Brahma, la première personne de la trinité hindoue, n’est pas populaire, c’est un dieu trop métaphysique. D’incroyables superstitions, un culte désordonné, des extravagances de toutes sortes rendent l’hindouisme aussi ridicule et aussi odieux que n’importe quelle autre religion. Il faut, chez les théosophes, une forte dose d’ignorance ou d’aveuglement pour prendre au sérieux ces folies orientales. Et l’on peut douter de la bonne foi de ceux qui, ayant étudié sérieusement l’Inde brahmanique, osent nous l’offrir en modèle. De Dieu, le Bouddha Sakyamouni ne se préoccupa jamais ; peut-être n’y croyait-il point. Mais ses fidèles ont donné, de bonne heure, dans les pires extravagances du polythéisme. Relativement raisonnable en Chine, le bouddhisme a multiplié au Tibet les incarnations divines. Avec son pape, ses moines, son clergé, ses nombreuses pratiques de dévotion, le lamaïsme ressemble fort au catholicisme romain. Ces analogies ont fait croire à plusieurs que le christianisme devait beaucoup à la religion de Bouddha ; on a même parlé d’un séjour de Jésus dans l’Inde et exhumé de prétendus documents relatifs à son voyage et à son retour en Judée. Un manuscrit en langue pali aurait été découvert qui porte cette phrase sur le premier feuillet : « Ici ont été confiés à l’écriture les rapports faits par des marchands venus d’Israël et les résultats d’une vaste enquête faite par nous, disciples de Bouddha Gauthama, sur le Saint Issa crucifié en Judée il y a quatre ans par le Gouverneur Pilate du pays des Romèles. » La crédulité des théosophes étant inépuisable, les mystificateurs se permettent les plus bizarres fantaisies. Ces pieux mensonges rappellent ceux des premiers chrétiens ; mais nul homme réfléchi ne s’y laisse prendre. Les ressemblances constatées entre la vie de Bouddha et celle de Jésus portent seulement sur des légendes tardives ; l’on n’a pu, jusqu’à présent, en tirer des conclusions sûres.

En Gaule, le mystère qui entourait la religion et la défense faite aux druides de rien écrire sur leur doctrine et leurs cérémonies cultuelles, empêchèrent longtemps d’approfondir les croyances sacerdotales. A l’origine, les Gaulois adoraient les grandes forces naturelles : Belon, le soleil, Belisana, la lune, les montagnes, les grands arbres, les fleuves, etc. Ensuite ils peuplèrent le globe d’esprits ou de génies et imaginèrent tout un monde de nains, de fées, de korrigans. Alors apparurent les principaux dieux gaulois : Teutatès qui conduit les âmes des morts, Esus qui remplit d’horreur la profon-

deur des forêts, Eporia, la protectrice des chevaux, Borvo, Sirona qui président aux eaux thermales, etc. Au-dessus des divinités locales, les druides plaçaient un être suprême, dont la connaissance était réservée à un petit nombre d’initiés. On ne trouvait ni temples, ni statues ; mais l’on offrait à ces dieux irascibles les dépouilles des vaincus ou des victimes humaines. Recrutés parmi l’élite de la jeunesse, les druides faisaient, au préalable, un apprentissage d’une vingtaine d’années. Isolés du monde, ils apprenaient des milliers de vers qu’ils devaient retenir de mémoire. Le chef des druides, nommé à vie, était choisi par voie d’élection. Parmi les fêtes, celle de la cueillette du gui, qui avait lieu le sixième jour de la lune d’hiver, était particulièrement solennelle. Au-dessous des druides proprement dits venaient les eubages, sorciers qui fabriquaient des amulettes et guérissaient les maladies, puis les bardes, assez peu considérés, qui chantaient des poèmes sacrés. Les druidesses disaient la bonne aventure et entretenaient les superstitions populaires.

Comme César parlant des Gaulois, Tacite, parlant des Germains, identifie leurs dieux avec ceux de Rome. Il en cite trois : Mercure, Hercule et Mars. Mercure n’était autre que Vodan ou Odin, le plus fameux des dieux de Germanie. Les légendes lui prêtaient des mœurs guerrières et de nombreuses aventures ; chasseur féroce, c’est lui qui entraînait au Walhalla ou paradis les âmes des guerriers tués sur le champ de bataille. Là encore ils continuaient à se battre et à boire la cervoise ou l’hydromel dans le crâne de leurs victimes. Hercule se confondait avec Thor, le dieu du tonnerre, qui faisait entendre sa voix puissante au milieu des orages. Pour ce motif, Thor sera parfois confondu avec Jupiter. Le Mars germain était Tyr, fils d’Odin, qui avait pour symbole une épée plantée en terre. Parmi les déesses, citons Fraya, la Vénus du Nord, Hertha, la terre nourricière, Holda, la vigoureuse chasseresse. Le panthéon des germains était abondamment peuplé ; en outre ils supposaient la nature pleine d’esprits, elfes et trolls. Dans les montagnes habitaient des géants et des nains, dans les eaux des nixes, dans la mer un démon femelle Ran. Tout arbre avait son génie ; le culte des rivières et des fontaines était très populaire. On ne trouvait ni temples, ni caste sacerdotale ; les sacrifices étaient offerts par le chef de la famille et par le chef de la cité. Sorciers, devins, prophétesses ne manquaient pas : les femmes surtout passaient pour jouir de dons magiques. En 70, la prophétesse Velléda parvint à soulever les Bataves contre les Romains.

Les mythologies grecques et romaines sont trop connues pour que nous insistions. Très nombreuses, les divinités grecques avaient un visage et un corps humains ; elles étaient douées des vertus et des passions habituelles aux hommes. Grâce aux poètes et aux artistes, la religion primitive s’était modifiée de bonne heure, pour faire place à l’anthropomorphisme. Pourtant le totémisme laissa de nombreux vestiges, et les dieux ou déesses habitaient l’Olympe, une haute montagne du nord de la Grèce. C’étaient Zeus, le roi des hommes et des dieux, Héra, son épouse et sa sœur, Apollon, le maître du soleil, Poséidon qui commandait aux eaux et à la mer, Arès, le dieu des combats, Héphaïstos, le forgeron, Hermès, le messager céleste, Athéna, la déesse de la sagesse, Aphrodite, la reine de l’amour, Vesta, la gardienne du foyer, Déméter, la protectrice des moissons, Artémis, la déesse de la lune. Les Grecs honoraient beaucoup d’autres dieux, Hadès, le roi des enfers, Dionysos, le protecteur de la vigne, etc., ainsi que des divinités de moindre importance : muses, nymphes, faunes, néréides et tritons. Des héros ou demi-dieux, fils d’une mortelle et d’un dieu, étaient en outre admis dans l’Olympe : par exemple Hercule, Persée, Bellérophon, les deux frères jumeaux Castor et Pollux. Les Grecs possédaient des sanctuaires ; et quelques-uns,