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2001

spiritualiste, alors qu’elle devrait être une branche des sciences naturelles.

Nous avons lancé le mot de Pédotechnie parce qu’à une conception nouvelle de l’éducation, il faut un mot nouveau. » D’autres mots également (Pédiatrie, etc.) ont été créés ; l’ancienne pédagogie s’est modifiée, divisée ; les auteurs de ces divisions ne sont pas, d’ailleurs, toujours d’accord ; en particulier ils ne s’entendent pas sur ce qu’est ou doit être la « pédagogie expérimentale ». Ce sont là des questions qui intéressent surtout les spécialistes.

Mais il n’est pas besoin d’être spécialiste pour s’intéresser à la pédagogie et des connaissances pédagogiques plus étendues seraient utiles à tous les éducateurs. C’est un tort, pour les parents, de croire que l’amour de leurs enfants est suffisant pour leur faire trouver intuitivement ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire ; ceci qui est évident pour tout ce qui a trait à la vie physique — combien d’enfants sont victimes des maladresses alimentaires ou hygiéniques de leurs parents ! — ne l’est pas moins en ce qui concerne la vie intellectuelle et morale. C’est un tort pour les éducateurs de profession de se fier à leur pratique, la pratique devient vite routine et d’ailleurs, pour être acquise, elle nécessite des tâtonnements que l’on eût abrégés et des erreurs que l’on eût évitées par l’étude de la pédagogie. Nous n’insistons pas sur ce sujet, il suffira à nos lecteurs de se reporter à quelques-unes des études pédagogiques que nous avons données en cet ouvrage, par exemple aux mots « éducation » et « morale », pour se rendre compte de l’utilité des études pédagogiques.

Non seulement les méthodes de la pédagogie, ces fondations, ont évolué, mais encore les buts qu’elle se propose d’atteindre ont subi quelques changements. Il semble que l’on a plus que jadis le souci de respecter la personnalité de chacun ; l’éducation tend à ne plus être un dressage, mais à favoriser l’épanouissement des tendances utiles de chaque individu ; l’instruction fait place aux exercices individuels, l’école tend à être sur mesure, c’est-à-dire à la mesure de chacun. En revanche, il est certain que la concurrence, l’émulation qui tenaient une si large place dans l’ancienne pédagogie cèdent peu à peu du terrain devant l’entraide et la coopération. En résumé, la pédagogie tend actuellement vers l’individualisme et l’entraide, c’est-à-dire vers l’anarchie, au sens que les meilleurs penseurs (Kropotkine, par exemple) ont donné à ce mot. — J. Delaunay.


PÉDANT, PÉDANTISME La société est pleine de pédants qui déguisent leur impuissance sous de grands airs austères : représentants de l’autorité, administrateurs et fonctionnaires quelconques, délégués de sociétés reconnues ou non d’utilité publique, tous se composent un visage sévère, en rapport avec leurs missions plus ou moins secrètes et leurs fonctions plus ou moins grotesques. Ils pensent nous en imposer avec leur attitude compassée. Ils nous font suer avec leurs manières. Tout chez eux est étudié. Rien ne vient troubler leur sérénité. Leur visage est un masque sous lequel s’abrite la dissimulation. L’autorité est basée sur ces gestes mécaniques et ces physionomies rébarbatives. Il faut bien, pour justifier l’utilité du métier qu’ils exercent, qu’ils embêtent les gens. Ils sont tyranniques et orgueilleux, croient tout savoir et se croient tout permis, ne souffrent pas qu’on leur parle d’égal à égal, mais toujours d’inférieur à supérieur. Le mal que font ces imbéciles est irréparable. Ils ne conviennent jamais de leurs erreurs. Ces gens qui se croient quelque chose parce qu’ils portent sous le bras une serviette bourrée de papiers font pitié. Je les méprise. Ils sont mûrs pour le professorat, qui exige des diplô-

mes et une mine renfrognée. Décidément il y a des gens qui sont faits pour tenir certains emplois et remplir certaines fonctions : ils sont bien à leur place.

L’écueil de tout enseignement, c’est le pédantisme. A bas les pédants ! Les pédants sont une race insupportable. Quand on les rencontre, on a envie de fuir à 500 kilomètres. Ils ont une odeur spéciale. Leur ton autoritaire essaie d’en imposer. Derrière tout ce fatras d’érudition et de grands gestes, il n’y a rien. Avec eux, la vie est une chose morte. Ils en ont fait un mécanisme sans imprévu. Défense de les questionner. On doit accepter les yeux fermés la vérité qui tombe de leurs lèvres. « J’ai dit », supprime d’un seul coup toutes les objections. Pas de discussion possible avec ces tyrans. Ce sont les fascistes de l’enseignement. Avec ces pédants, on s’éloigne de la vérité. On s’éloigne de la vie. On ne pense pas, on ergote. On n’avance pas, on piétine. La science n’est plus qu’un monde décoloré et figé, qu’un fouillis inextricable de formules, où ne pénètre ni air, ni lumière ; qu’une construction aussi déplaisante qu’une prison ou une caserne. Leur science n’est qu’une pseudo-science, sans portée et sans intérêt.

Avec les pédants, tout est rétréci, amoindri, châtré. L’obscurité leur tient lieu de profondeur. Ils ne voient que les détails, au détriment de l’ensemble. La synthèse leur échappe. Ils ne saisissent aucune unité. Ils pataugent au milieu de notes, de fiches, de documents dont ils ne savent pas tirer parti. Nulle lueur dans cet enseignement. Tout avec eux devient néant. Je ne puis souffrir les gens qui ont des serviettes sous le bras (larbins ou barbacoles). J’ai horreur du type professeur. Le professeur cela me fait l’effet d’un fossile. C’est un squelette ; rien de plus. Le professeur, c’est le contraire de l’artiste. Il hait par dessus tout l’originalité et la sincérité. Le professeur n’innove pas, n’invente pas. Il se borne à recueillir le fruit du travail des autres, mal digéré et qu’il déforme. Il n’a pas d’envergure, pas d’imagination. Pas de gestes larges. Tout est petit, rapetissé, mesquin. Placez-le devant une création originale, le professeur ne comprend plus : il n’a vu cela nulle part. L’élève qui a fait un bon devoir est puni : j’appelle bon devoir celui qui est personnel. Est bon devoir, pour le professeur, celui qui ne renferme aucune idée, mauvais celui qui atteste une personnalité et sort de l’ordinaire. Aucune idée subversive n’est tolérée par le professeur. Et il n’est pas difficile d’avoir une idée subversive : la moindre idée où il entre une lueur d’intelligence est subversive pour le professeur. Le professeur répète chaque jour ce qu’il a dit la veille, sur le même ton compassé et vieillot. Il épluche, il corrige. Tant de fautes contre la grammaire, contre le style, contre la tradition ! Or, le professeur ignore la grammaire, écrit mal et fausse la tradition. De quel droit apprend-il aux autres l’orthographe. Le professeur est le type du pédant. (Voir le mot Professeur). — Gérard de Lacaze-Duthiers.


PEINTURE n. f. (du latin pictura, même sens). — Introduction. — On peut, d’une façon générale, désigner par le mot peinture tout emploi d’une matière colorante sur une surface ou sur un modelé, dans un but de figuration symbolique ou de simple ornementation. D’une façon plus étroite, ce terme est réservé à la représentation, par la couleur, des objets, des images de la vie, et, par cette représentation ou son simulacre, à l’expression des sentiments, des passions, des comportements individuels ou collectifs de l’homme, et d’abord de celui qui s’exprime, l’artiste. Les procédés mécaniques ne peuvent donc pas entrer dans cette définition. A la suite de préoccupations et de recherches nécessitées par des perfectionnements ou des reculs de la technique, la représentation expressive et symbolique des images a pu, dans certaines circonstances, faire place, plus ou moins complètement au simple jeu des