En Orient, l’art Byzantin semble remonter aux traditions de rigueurs théoriques et de faste des Achéménides et de l’Assyrie. Même uniformité rituelle des figures el des attitudes, même tendance au colossal, même absence de vie physique et d’émotion. Cette tendance, commune à l’Égypte, à la Chersonèse, pénétrant en Russie à la suite des missionnaires, maintenue dans les couvents de solitaires, s’y prolonge bien au-delà de la chute de Constantinople, dans les fresques du mont Athos (attribuées à Panselinos) dans les peintures du Sinaï, et dans les icônes des sanctuaires russes. Mais l’influence de Byzance rayonne aussi sur l’Occident. Elle y recouvre bientôt le courant italo-romain et se marie au goût barbare. Non seulement l’Italie, dominée par les Goths, reçoit les leçons d’art des mosaïstes byzantins, et les applique dans ses églises, jusqu’à la Renaissance du xiiie siècle ; mais l’Europe occidentale elle-même subit l’influence de Byzance, en même temps qu’elle voit s’affermir les premières royautés barbares. Et plus tard, quand aux viiie et ixe siècle, les empereurs iconoclastes forcent les artistes à s’expatrier, c’est sur l’Occident pacifié qu’ils refluent ; ils y déterminent ce qu’on a appelé la Renaissance carolingienne. Mais jamais le sens décoratif original des Barbares ne fut étouffé, et son esprit, à la fois réaliste et fantaisiste, où se retrouve le génie des ancêtres de l’âge du fer, mêlé, dans l’Europe méridionale, d’influences syriennes, anime, à travers un appareil technique peut-être appris de Byzance, les inventions ornementales si caractéristiques, le sens plastique et les ressources expressives des décorateurs romans.
IV. Les Temps Modernes. — Ce qui caractérise les époques modernes de l’histoire de la peinture, comme toutes les autres manifestations de l’esprit humain, c’est la rapidité d’évolution des formules, les forts écarts dans la transformation des styles, le diversité des écoles locales, en même temps que les rapports d’analogie entre des maîtres éloignés, la profusion des aptitudes et des génies particuliers. A partir du xive siècle, principalement, la vie artistique reçoit une diffusion telle qu’en six siècles à peine, elle nous apparaît plus riche d’inventions et de recherches que toute l’antiquité. Et cependant, durant cette période, aucune école ne présente ce caractère d’ensemble réussi, d’expression raciale durable que nous offrent l’époque égyptienne on l’époque grecque, Le mouvement des cathédrales, du xiie au xve siècle, est le seul auquel sa durée et sa dispersion territoriale confèrent une certaine universalité. Les autres mouvements sont d’oscillation courte ou d’aire localisée. Ce sont des mouvements particuliers ; et le génie des individus y a plus de part que les formules traditionnelles ou les disciplines rituelles. C’est dans la période dite « La Renaissance » (qui, en Italie, commence vers 1275) que la peinture se différencie nettement des autres arts et s’individualise ; elle échappe peu à peu au bâtiment, à l’architecture ; elle sort de son mur et vient au devant du spectateur. Toute enivrée de ce qu’elle gagne en vitalité et en émotion, elle ne sait pas ce qu’elle perd.
A) XIIIe et xIVe siècle. — À l’aurore du xiiie siècle, l’achèvement d’un grand nombre d’édifices dans le nouveau style occidental, appelé improprement gothique, amène une modification profonde de la décoration des églises. La nécessité de tamiser, en l’utilisant à des fins mystiques et décoratives, la trop grande lumière projetée par les baies immenses, donne naissance à un art nouveau dont, par la suite, l’influence sur la peinture sera considérable. Dans toute l’Europe occidentale, le vitrail sera, avec l’enluminure, toujours pratiquée et de plus en plus assouplie, la plus riche manifestation de la couleur. Ces deux procédés expriment fortement les types et les formules issus du fonds occidental. Entre 1200 et 1300, les enlumineurs parisiens, les verriers de Noyon, de Beauvais, de Saint-
C’est à l’Italie, en effet, qu’appartient, de la fin du xiiie siècle jusqu’en 1430, la maîtrise incontestée de la peinture. Pour si incertaines que soient les dates, nous sommes en possession d’œuvres florentines et siennoises qui se dégagent alors de l’influence des mosaïstes, et des émailleurs byzantins, qui n’ont pas cessé de former, en Italie, des élèves. La légende d’un de ceux-ci, Cimabue, qui aurait été le « premier peintre » est une jolie page d’anthologie. Il est certain que des artistes italiens s’individualisèrent dès le xiiie siècle, et c’est à Sienne que nous trouvons la première école. Duccio (1255-1319 ?) semble avoir, le premier, dégagé des formules byzantines et miniaturistes la conception du tableau, avec le sentiment de la composition. Dans cette première école de Sienne, nous citerons encore Simone Martini, qui vint à Avignon en 1310 et y mourut en 1344, après avoir fondé l’école à laquelle on doit les fresques du Palais des Papes (1320-1364) et celles de Villeneuve. Mais dès la génération suivante, l’école de Sienne se dessèche, et retombe pour longtemps dans l’illustration allégorique. Les Lorenzetti, cependant, la maintiennent quelque temps. Les procédés techniques des Siennois tiennent encore de la miniature ; fraîcheur de coloration, suavité, poésie, n’y excluent pas la pauvreté de matières et d’effets dont triompheront les florentins des lustres suivants.
À Florence, l’école semble être née de l’enseignement d’un fresquiste romain, Pietro Cavallini, l’auteur des fresques du Transtevere ; et le maître le plus illustre, à son aurore, fut Giotto di Bondone (1260 ? -1336). Ce fut un puissant ordonnateur d’ensembles. Son art, architectural et sculptural encore, est animé d’un souffle nouveau ; la vie s’introduit dans la peinture par la recherche du modèle expressif. A part il Andrea Orcagna (1308 - 1368) et Taddeo Gaddi (1333-1396), les successeurs de Giotto furent en général des imitateurs ; et pour un quart de siècle l’Italie s’appauvrit.
C’est à ce moment qu’apparaissent, en Europe occidentale, les résultats de l’admirable poussée que la peinture y reçut de la sculpture et du vitrail. Il semble bien d’ailleurs que Siennois, ou Romains, et Giotto lui-même soient tributaires des imagiers français du xiie siècle finissant et du xiiie et que la voie de diffusion des recherches qui introduisent, dans la peinture, la vie, soit la route des pèlerinages. En France, comme en Italie, les sculpteurs précéderont les peintres. Les Gérard, d’Orléans, les Jean Bandol, de Bruges (v. 1370), Beauneveu et Jacquemart, de Hesdin, les suivent assez tardivement. Le néerlandais Claus Sluter, sculpte, en 1390 et 1395, le portail de Champmol, précédant les peintres flamands de Bourgogne : Jean Malouel (v. 1395), Broederlam, et les miniaturistes : Pol de Limbourg et ses frères.
Le mariage de Philippe de Bourgogne avec Jeanne de Flandres, en 1385, fixe à Dijon la cour de Bourgogne et y attire les artistes flamands, Une étape se crée entre la Flandre et l’Italie. Bourges en devient une autre. Vers ces deux villes, qui font figure de capitales, affluent aussi les apports rhénans. Dans les temps troublés de la Guerre de Cent ans, de vastes échanges