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ter des formules qui s’inspiraient des doctrines soutenues par cet hérétique. Grâce à Théodose, adversaire acharné de l’arianisme, l’orthodoxie vit son prestige renaître dans l’empire romain. Quant au schisme qui sépara l’Église orientale du catholicisme, il n’eut point pour motif des querelles dogmatiques mais les prétentions outrecuidantes des papes. Dès IXe siècle Pliotius s’insurgeait contre les procédés de l’évêque de Rome. Cette séparation, rendue complète au xie siècle, n’a d’ailleurs contribué en aucune façon au progrès de l’esprit humain.

Au viie siècle, le mouvement religieux suscité par Mahomet en Arabie se répandit rapidement en Égypte et dans le nord de l’Afrique, en Syrie, en Perse et même dans des pays aussi éloignes que l’Espagne. Cet ébranlement compte parmi les plus importants que l’histoire ait enregistrés. Mais bien que postérieur en date au christianisme, l’islamisme ne lui est pas supérieur au point de vue soit intellectuel, soit moral. A Bagdad et en Espagne, la civilisation musulmane lut florissante ; les accusations portées par les Occidentaux contre les disciples de Mahomet ne résistent pas, dans maints cas, à une étude impartiale. Néanmoins le Coran parle de la guerre dans des termes qui nous répugnent profondément ; il y voit le moyen de sanctification par excellence, celui qui ouvre le ciel au croyant de la façon la plus sûre. Le sort de la femme en pays musulman ne fait pas davantage honneur a la religion du prophète arabe.

Au moyen âge, la dure condition faite au peuple provoqua diverses tentatives d’affranchissement, par exemple celle des croquants de Normandie en 997 et celle des serfs bretons en 1024. Écrasées brutalement dans les campagnes, elles devaient réussir dans bien des villes, surtout au xiie siècle. Les habitants des centres urbains comprirent qu’en associant leurs efforts ils résisteraient mieux à la tyrannie seigneuriale. D’où le mouvement communal, qui revêtit des formes très différentes selon les époques et les régions. C’est au prix de combats sanglants que certaines villes secouèrent le joug féodal ; d’autres obtinrent la liberté sans recourir à l’insurrection. Malheureusement, l’accroissement de la puissance royale ruinera, par la suite, l’œuvre d’affranchissement communal, qui ne fut point favorisé par les souverains, comme des historiens mal renseignés l’ont prétendu.

La lutte du sacerdoce et de l’empire, qui du xie au xiiie siècle mit aux prises les papes et les empereurs, prouve que la domination ecclésiastique ne s’étendit pas sans résistance dans les pays germaniques. En premier lieu, la querelle des investitures dressa Henri IV contre Grégoire VII ; vaincu, l’empereur dut subir l’humiliation de Cartossa en 1077. Un siècle après, Frédéric Barberousse fut tenu en échec par Alexandre III. Avec Innocent III (1198-1216) la papauté arrive à son apogée. De 1227 à 1250, nouvelle lutte entre l’empereur Frédéric II et le pape. En apparence, le pontife romain fut vainqueur ; en réalité, il avait usé ses for ces dans une lutte sans profit. Dès le début du xive siècle, il sera obligé, par l’indiscipline de ses vassaux, de se fixer à Avignon.

Après le grand schisme, qui donna au monde chrétien le spectacle de deux et même trois papes s’excommuniant mutuellement, l’esprit d’indépendance reparut dans l’Église. Dès 1336, Wiclef, en Angleterre, dénonça la corruption des papes et du clergé. Appliquant leurs maximes religieuses à l’ordre social, plusieurs de ses disciples réclameront même l’égalité absolue de tous les hommes. En Bohême, Jean Huss (1369-1415) préconisa un ensemble de réformes qui le font considérer, à bon droit, comme un précurseur du protestantisme. Emprisonné, puis condamné à être brûlé vif par le concile de Constance, il sut mourir en héros. Ses partisans prirent les armes ; la guerre se prolongea

jusqu’en 1436, et le concile de Bâle dut se montrer conciliant pour ramener au catholicisme la majorité des hussites.

L’invention de l’imprimerie dans la première moitié du xve siècle, les découvertes géographiques effectuées dans la seconde moitié du même siècle ne furent point des événements d’apparence révolutionnaire. Pourtant ils sont à l’origine de nombreuses transformations sociales, survenues par la suite. Leurs conséquences intellectuelles, morales, économiques, furent incalculables ; toutes n’ont pas été heureuses d’ailleurs, la presse étant domestiquée par les chefs trop souvent, et les richesses de l’Amérique servant surtout à alimenter le luxe de quelques potentats.

La Renaissance littéraire, scientifique, artistique et philosophique, survenue au ve et xvie siècle, fut une salutaire réaction contre l’obscurantisme théologique. Elle remit en honneur les méthodes rationalistes chères à l’antiquité, s’insurgea contre le pessimisme morose des écrivains et des artistes fidèles à la pensée catholique, se détourna d’un au-delà chimérique pour considérer avec sympathie les réalités d’ici-bas. Princes et prélats ne comprirent pas, au début, quelle contenait un ferment révolutionnaire ; pour acquérir le renom de mécènes, ils protégèrent artistes et poètes. Depuis, les défenseurs du trône et de l’autel ont maudit, bien des fois, l’esprit d’indépendance issu de ce retour à l’antiquité grecque et romaine. La Renaissance eut ses martyrs, parmi les philosophes et les savants : un Vanini, un Giordano Bruno furent brûlés ; Galilée fut condamné à la prison.

Luther, Calvin, Zwingle et les autres promoteurs de la Réforme protestante furent suivis par une notable partie de l’Europe, dans leur révolte contre le catholicisme. C’est en 1520 que Luther rompit définitivement avec Rome ; quand il mourut en 1546, sa réforme était solidement établie, non seulement en Allemagne, mais en Suède, en Danemark, en Norvège. De Genève, Calvin (1509-1564) exerça une prodigieuse action sur toute l’Europe. En outre, Henri VIII, d’Angleterre, sans adopter soit le luthéranisme, soit le calvinisme, rompit avec la papauté. Le principe du libre examen, qui est à la base du protestantisme, ainsi que la rébellion contre la puissance ecclésiastique, devait aboutir à des conséquences dont on ne comprit l’importance que beaucoup plus tard. Avec la Réforme, l’esprit critique et le besoin d’indépendance triomphent dans le domaine religieux.

Philippe II, qui s’était fait le champion de la cause catholique dans toute l’Europe, ne put arrêter les progrès du protestantisme dans ses provinces des Pays-Bas. Exaspérés par le despotisme politique et religieux que le roi d’Espagne faisait peser sur eux, les habitants de cette contrée se soulevèrent en 1566, sous la direction de Guillaume d’Orange, dit le Taciturne. Malgré la répression sanguinaire exercée par le duc d’Albe, malgré la défection des provinces du sud qui, en 1579, se soumirent à leur ancien souverain, malgré l’assassinat de Guillaume d’Orange en 1584, la Hollande et les autres puissances du nord continuèrent la lutte et formèrent l’état indépendant des Provinces-Unies. Cette république protestante, le premier pays d’Europe où la liberté (encore limitée il est vrai) de penser et d’écrire fut laissée aux habitants, connut au siècle suivant une merveilleuse prospérité économique et une gloire intellectuelle de premier ordre.

En 1646, une révolution, provoquée par la tyrannie de Charles Ier Stuart, éclata en Angleterre. La lutte fut d’abord dirigée par le parlement, puis le principal rôle passa à Cromwell, un chef militaire énergique et habile. Charles Ier fut condamné à la peine de mort et exécuté, le 9 février 1649 ; la république fut proclamée. Mais Cromwell substitua son despotisme à celui du roi : en 1653, il se fit décerner le titre de Lord Protecteur et