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est de la populace —, et un néologisme, populacerie, dont le besoin ne se faisait nullement sentir.


Populaire. — Cet adjectif désigne ce qui est du peuple, ce qui vient de lui, ce qui lui appartient, et ce qui est usité, répandu parmi le peuple. Sa signification suit celle de peuple dans toutes ses acceptions ; il est tout autant employé à faux quand on veut lui faire qualifier quelque chose de vulgaire, de bas. On appelle ainsi « art populaire » et « littérature populaire » un art et une littérature spécialement composés pour le peuple, qui affectent la vulgarité et la grossièreté populacières, et dont la niaiserie, l’infériorité, ne sont dignes que de la bassesse bourgeoise qui les produit.

L’art et la littérature véritables, comme la pensée et le travail véritables, sont avant tout populaires, c’est-à-dire propres à tous les hommes. Ils n’existent et ne demeurent que parce qu’ils viennent du véritable peuple, qu’ils expriment ce qui est véritablement humain. L’art et la littérature populaires sont de tous les temps, alors que ceux de l’aristocratie sont particuliers à des époques et périmés avec elles. (Voir Art et Littérature). Tout ce qui est humain est populaire, quelles que soient les conventions appelées « nobles » par lesquelles on veut détacher du peuple une partie de l’humain. Tout ce qu’ont produit les écoles philosophiques, artistiques, littéraires, n’a été durable, n’a mérité de fixer l’attention des hommes, que dans la mesure de ses attaches avec leur multitude, avec le peuple.

On voit de nos jours se fonder des partis de « démocratie populaire » qui sont une sorte de contrepartie à d’autres dits d’ « aristocratie républicaine » ! Cette abracadabrante terminologie politicienne, bien digne du muflisme qui y préside, ne fait que mettre en évidence les survivances des castes aristocratiques dans la prétendue démocratie où nous ne sommes pas fiers de vivre. (Voir Politique).

On emploie substantivement le mot populaire à la place de peuple. On donne ce titre : Le Populaire à des journaux et… à des apéritifs ! Populaire est plus familier que peuple. Plus familièrement encore on dit : le populo. Ce dernier mot ne vient pas de l’argot, comme on pourrait le croire. Le vieux langage français appelait populo un petit enfant gras et potelé. Dans la peinture et la sculpture allégoriques on voit fréquemment des populos portant des cornes d’abondance ou des guirlandes de fleurs.

Parmi les dérivés de peuple et de populaire on a vu populicide, néologisme que la Révolution de 1789 produisit contre les ennemis du peuple,

Popularisme — système de la popularité — est synonyme de démagogie.

Populariser — rendre populaire — est synonyme de répandre, de vulgariser. — Edouard Rothen.


PHALANSTÈRE n. m. Dans le système de Fourier (1772-1837), la phalange représente le groupe élémentaire sur lequel repose la commune sociétaire et le phalanstère est le nom que, s’inspirant très probablement du mot « monastère », Fourier a donné à l’ensemble des constructions destinées à abriter la phalange. Ce grand penseur trace de la manière que voici le plan du phalanstère :

La phalange comprend une réunion de 1.500 à 1.800 personnes, exécutant les travaux de ménage, de culture, d’industrie, d’art, de science, d’éducation, d’administration, nécessaires à l’exploitation unitaire de 16 kilomètres carrés de terrain.

Quant au phalanstère, ce doit être un magnifique édifice, ayant une façade de plusieurs centaines de mètres, projetant, à droite et à gauche, de vastes ailes

en fer à cheval et repliées sur elles-mêmes, de manière à se doubler et à former des cours intérieures spacieuses et ombragées, séparées par des couloirs, sur colonnes jetées d’un corps de bâtiments sur l’autre et servant de terrasse et de serre. Les ateliers bruyants seront établis dans une des ailes et, dans une autre, ceux où règne le silence ; au centre, se trouveront la bourse, la bibliothèque, le musée, les réfectoires, la tour d’ordre avec beffroi, horloge et télégraphe, le théâtre, le bureau de la Régence et un Temple. Une rue-galerie, à hauteur du premier étage, chauffée l’hiver, ventilée l’été, où seront exposés les produits industriels et artistiques, serpentera autour de l’édifice, établissant entre toutes ces parties, une communication facile.

Chaque famille trouvera à se loger, selon ses convenances, dans des appartements somptueux ou simples, mais dont le moins riche offrira, par sa distribution bien entendue, un degré de confort et d’élégance qu’on trouve rarement dans les habitations de la classe aisée. Elle choisira de même parmi les mets, tous sains et nutritifs, mais plus ou moins recherchés, préparés au restaurant commun, ceux qui conviendront le mieux à ses goûts ou à sa fortune.

Les plus jeunes enfants seront réunis dans des salles vastes et bien aérées, où seront établies, à hauteur d’appui, des nattes élastiques, séparées par des cordons de soie, qui soutiendront l’enfant fatigué du berceau, sans le priver du mouvement et lui permettront de se livrer à ses instincts de sociabilité, qui sont, après les besoins purement moraux, les premiers à se développer. Cette partie de la théorie reçoit une ample confirmation des salles d’asile, où plusieurs centaines d’enfants s’ébattent joyeusement, sous la garde de deux femmes qui, malgré leur aptitude spéciale, ne réussiraient pas à faire taire les cris ou à réprimer la fatigante turbulence d’un enfant isolé.

Les bâtiments affectés à l’exploitation rurale se trouveront sur l’autre côté de la route, communiquant avec 18 phalanstères par des galeries couvertes et, dans la campagne, s’élèveront des pavillons où le travailleur se reposera pendant la chaleur du jour ou à l’heure du repas.

Frappé et douloureusement ému par le spectacle des masures à la campagne et des taudis en ville, dans lesquels étaient logées les classes laborieuses et pauvres de son temps (celles de nos jours sont aussi mal abritées, meublées, installées, éclairées, ventilées), le fameux sociologue voulait, grâce à la fondation et à la multiplication des phalanstères édifiés sur le plan ci-dessus indiqué, remplacer, par chaque groupement phalanstérien, quatre cents masures rurales environ, ou quatre cents de ces infects réduits où sont entassées quatre cents familles plus ou moins indigentes qui, privées d’air, de lumière, de propreté et d’hygiène, grouillent dans les agglomérations citadines.

Pour compléter les indications que comporte le mot phalanstère, ajoutons que les travaux devaient y être rétribués en raison composée du Capital, du Travail et du Talent. Quelques essais de phalanstère ont été tentés en France, notamment à Condé-sur-Vesgre (Seine-et-Oise) et en Amérique, par Victor Considérant, un des plus illustres apôtres du Fouriérisme. Ces essais n’ont pas donné les résultats qu’on en attendait. Je suis porté à attribuer cet échec au mode de rétribution des travaux en honneur et en pratique au sein du phalanstère. Je ne prétends pas, tant s’en faut, que ce système de rétribution soit l’unique cause de l’échec en question ; mais j’estime qu’elle en est la principale. La théorie fouriériste a pour but la réalisation d’une harmonie sociale remplaçant l’état d’opposition, de méfiance, d’hostilité, de concurrence et de rivalité qui est le propre des sociétés modernes. Il est de certitude élémentaire que pour atteindre ce résultat, il est indispensable d’éliminer des rapports sociaux toutes les