Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.2.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SOC
2605

action décidée à Bruxelles, fin juillet, par les représentants de l’Internationale. Devant le fait accompli, presque tous les partis s’inclinèrent ; les crédits de guerre furent votés. Cependant le socialisme ne devait pas tarder à relever la tête. En Allemagne, les futurs spartakistes et les « indépendants » rompirent avec le « socialisme de guerre ». En France, les « minoritaires » ne parvinrent qu’un mois avant l’armistice à conquérir la majorité.

On crut un moment que l’Internationale réussirait à se reconstituer en pleine guerre (1917), mais le congrès de Stockholm fut mis dans l’impossibilité de siéger. Les conférences de Zimmerwald et de Kienthal (1915–1916) ne réunirent que des minorités. En mars 1917, la Révolution russe éclata soudain, d’abord bourgeoise, puis socialisante, enfin (7 novembre) bolchevique. Maîtres de la Russie, les bolcheviks proclament la dictature du prolétariat (en fait, celle de leur propre parti), signent la paix avec l’Allemagne et s’efforcent de fomenter, en créant l’ « Internationale communiste », une révolution sociale universelle. Cet effort audacieux, malgré la complicité des circonstances, n’aboutit qu’à une série d’échecs sanglants. L’unique résultat fut la création, dans tous les pays de partis communistes dont l’activité désordonnée est, aujourd’hui, presque uniquement tournée contre les partis socialistes et les vieux syndicats.

La scission laissa les partis socialistes très affaiblis, vidés de leurs militants de gauche et de leurs éléments jeunes. Ce n’est que lentement et, surtout, grâce aux fautes accumulées comme à plaisir par le bolchevisme que les partis socialistes reconquirent leur influence. Il y eut, un moment, deux Internationales socialistes, l’une de droite, l’autre de gauche (cette dernière dénommée « centriste » par les bolcheviks) : elles fusionnèrent à Hambourg, en 1923, et la IIe Internationale se trouva ainsi reconstituée.

Elle a tenu, depuis lors, des congrès à Marseille (1925), à Bruxelles (1928), à Vienne (1931) ; elle vient d’avoir une conférence à Paris où ont été examinés les grands problèmes de l’heure : guerre, fascisme, unité, pouvoir. Alors qu’en 1914, elle groupait 3.400.000 membres, elle en groupe, aujourd’hui, trois fois plus, répartis entre une cinquantaine de partis.

Dans l’intervalle des congrès, instance souveraine, qui ne se réunissent que tous les trois ans, l’Internationale est régie par un comité exécutif (deux ou trois sessions par an) dans lequel chaque parti est représenté au prorata de sa force (la France a trois représentants). Le bureau tient des réunions plus fréquentes. Le secrétariat, dirigé par Fr. Adler, à Zurich, assure la permanence.


Organisation du Parti en France. — Chaque parti socialiste a sa figure propre. Le Labour Party comprend, à côté de ses sections locales, de nombreux syndicats, des partis et des associations socialistes. Le parti ouvrier belge se compose de sections politiques, de syndicats, de coopératives, de mutualités et de sociétés ouvrières de toute sorte. Partout ailleurs, partis et syndicats sont indépendants, mais, sauf en France, entretiennent entre eux des rapports organiques étroits. En France, l’indépendance organique est complète : Parti socialiste et C. G. T. ne collaborent qu’exceptionnellement ; les coopératives pratiquent une neutralité absolue.

Le Parti socialiste français se compose, actuellement, de 4.400 sections locales, réparties entre 96 fédérations. Sections et fédérations s’administrent elles-mêmes.

La direction du Parti appartient au Parti lui-même, c’est-à-dire au congrès national annuel, dont les délégués sont élus par les fédérations. Chaque fédération y dispose d’un mandat de droit et d’un mandat supplémentaire par 25 cotisants.

Le congrès fixe souverainement la politique du Parti.

Il se prononce sur les rapports que lui soumettent les « organismes centraux » et renouvelle ces derniers (dont le plus important est la « C. A. P. » ) sur la base de la représentation proportionnelle.

Dans l’intervalle des congrès, le Parti est administré par le conseil national, sorte de congrès restreint constitué par les fédérations, à raison d’un délégué chacune, élu pour un an. Le conseil national se réunit en session ordinaire environ deux fois l’an.

La commission administrative permanente (C. A. P.), dont le nom indique suffisamment le rôle, comprend 33 membres élus par le congrès à la proportionnelle. Elle se réunit environ deux fois par mois et se décharge d’une partie de ses tâches sur un bureau de quelques membres (secrétaire général, trésorier du Parti, etc.). La C. A. P. exécute les décisions des congrès et des conseils nationaux et organise la propagande (confiée à quelques délégués permanents).

Les autres commissions centrales sont celle de contrôle (qui surveille la gestion financière) et celle des conflits, qui juge les « demandes de contrôle » dont tout membre peut être l’objet et peut prononcer des peines allant de l’avertissement simple à l’exclusion.

Une part importante de l’action du Parti étant électorale, il possède des élus dans tous les corps délibérants : conseils municipaux, d’arrondissement, généraux, Chambre et Sénat.

Les élus parlementaires (actuellement 16 sénateurs et 129 députés), (la récente scission des néo-socialistes a fait perdre au Parti 31 députés et plusieurs sénateurs), forment « un groupe distinct de toutes les fractions politiques bourgeoises ». Ils sont tenus à l’unité de vote et doivent repousser l’ensemble du budget, « liste civile de la bourgeoisie ». Tout élu relève du contrôle de sa fédération et doit verser au Parti une fraction de son indemnité.

La liberté de discussion est entière dans la presse socialiste (ainsi que dans les assemblées intérieures du Parti), mais pour l’action, la presse doit se conformer aux décisions des congrès.

L’organe central est le Populaire, fondé en 1927, dont le directeur (Léon Blum) est élu par le congrès national. Le Populaire a 43.000 abonnés et environ 75.000 acheteurs au numéro. Les fédérations et sections disposent, pour leur compte d’environ 80 journaux.

Les jeunes socialistes sont unis dans la Fédération nationale des jeunesses (12.000 membres), au sein de laquelle le Parti a ses représentants (de même qu’au Comité national des femmes socialistes fondé en 1931).

Ajoutons que le Parti compte actuellement, 137.000 membres (dont 14.600 dans le Nord et 9.200 dans la Seine), (la scission néo-socialiste a fait perdre au Parti de 8 à 10.000 membres), et que son budget s’élève à 1.658.000 francs.

II. — Le programme : buts et moyens. La Société capitaliste. — Le capitalisme, c’est le point de départ. Le communisme, c’est le point d’arrivée. Entre les deux, le mouvement socialiste s’intercale : empruntant ses méthodes au marxisme — c’est-à-dire à une connaissance scientifique de l’état social et du devenir historique — il s’assigne, pour but final, le renversement de la société capitaliste et la réalisation du communisme.

Capitalisme, socialisme, communisme : les trois anneaux de la chaîne, les trois étapes du voyage.

Voyons d’abord ce qu’est le capitalisme.

Le capitalisme est récent dans l’histoire. Il apparaît avec la Renaissance, lorsque commencent à se dissoudre les biens féodaux et à se constituer les monarchies absolues. Son prodigieux essor ne date que du XIXe siècle : il a fallu pour cela que, grâce à la vapeur et aux machines, la fabrique succède à la manufacture et que, sur les ruines du régime corporatif, la grande