qui affirme l’existence de cette chose. Quoi qu’il en soit, c’est ici l’impasse qui coupe court à toute discussion. Pascal, qui fut sans doute le plus tourmenté des humains parce qu’il cherchait à se convaincre de la véracité des Écritures, malgré la tyrannie implacable de sa raison, nous a laissé dans ses Pensées le reflet de son doute et du terrible combat qui se livra dans son cœur. Chercher Dieu, en effet, et ne pas le trouver, quelle torture pour un croyant ! Il disait : « Je n’entreprendrai pas de prouver par des raisons naturelles l’existence de Dieu ou l’immortalité de l’âme, parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre les athées. » Et aussi : « S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque n’ayant ni parties, ni bornes, il n’a nul rapport à nous : nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. » (Section III-233.) Puis : « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. » (Section IV-278.) Encore : « La foi est un don de Dieu. Ne croyez pas que nous disions que c’est un don de raisonnement. Les autres religions ne disent pas cela de leur foi ; elles ne donnaient que le raisonnement pour y arriver, qui n’y mène pas néanmoins. » (IV-279), etc… Enfin, Pasteur, tant de fois mis en avant par les déistes, s’exprimait ainsi : « En chacun de nous il y a deux hommes : le savant, celui qui a fait table rase, qui, par l’observation, l’expérimentation et le raisonnement veut s’élever à la connaissance de la nature, et puis l’homme sensible ; l’homme de tradition, de foi ou de doute, l’homme qui pleure ses enfants qui ne sont plus, qui ne peut, hélas ! prouver qu’il les reverra, mais qui le croit et l’espère, qui ne veut pas mourir comme meurt un vibrion, qui se dit que la force qui est en lui se transformera. Les deux domaines sont distincts et malheur à celui qui veut les faire empiéter l’un sur l’autre, dans l’état si imparfait des connaissances humaines. » (Discours à l’Académie de Médecine).
Les croyants ne font donc pas preuve de beaucoup de sérieux lorsqu’ils s’appuient sur l’autorité des savants pour prouver Dieu.
Les savants athées. — Et puis enfin, quand on cite les savants croyants — avec toute la série de leurs découvertes, comme si le fait d’avoir résolu un problème devait donner par surcroît un éclat nouveau aux antiques preuves ( !) de l’existence de Dieu, — on ne nous montre qu’un seul côté de la barricade. Car il y a eu, et il y a, des savants athées. Sans nous arrêter à Descartes, Mallebranche, Arnauld, Nicole et Pascal, considérés comme athées d’après le Père Hardouin (Volt., dict. phil.) nous pourrions citer un nombre imposant d’esprits de valeur qui ont vécu sans Dieu. A titre purement documentaire nous nommerons :
Hobbes (1588-1679), qui, nous dit Voltaire, passa pour athée ; Spinoza (1632-1677), était non seulement athée, mais il enseigna l’athéisme (Volt.) ; Lalande (1732-1807), astronome, disait : « On a beau fouiller le ciel dans toutes les directions, avec les meilleurs télescopes, on n’y a jamais vu trace de Dieu » ; Laplace (1749-1827), mathématicien et astronome, inventeur du système cosmogonique qui porte son nom, s’occupa de la mécanique céleste. Pour lui, Dieu était « une hypothèse inutile » ; Pigault-Lebrun (1753-1835), écrivain, auteur du célèbre Citateur ; Berthelot (1827-1902), chimiste, qui reproduisit artificiellement (1855) un certain nombre d’espèces chimiques existant dans les êtres vivants ; Vogt Karl (1817-1895), naturaliste et anthropologiste allemand, défenseur du transformisme ; Paul Bert (1833-1886), physiologiste, membre de l’Académie des Sciences ; Giard Alfred (1846-1908), biologiste, partisan convaincu de la théorie transformiste ; Virchow (1821-1902), médecin, fondateur de la pathologie cellulaire, disait
Pour finir — car il faut se limiter — citons encore Joseph Turmel, le vieux prêtre excommunié, qui, sous une quinzaine de pseudonymes (Delafosse, Coulange, Dulac, Herzog, Dupin, Lagarde, Perrin, Gallerand, Lawson, Michel, Letourneur, etc.), a, par la méthode historique, détruit le Dogme, sapé la foi, et cela, de la façon la plus sûre et la plus complète. De l’aveu même de l’abbé J. Rivière (Le Modernisme dans l’Église) : « Il comptait parmi les illustrations du clergé de France dans l’ordre scientifique. » mais pénétré de l’imposture religieuse, il a voué à l’Eglise une haine acharnée : « Je déteste l’Église ; j’exècre la bête… » dit-il, puis : « J’ai prononcé le serment d’Annibal, le serment de faire sans trêve ni relâche la guerre à la bête. »
Les savants et Dieu. — Il nous reste un dernier point à élucider, c’est celui de savoir quel est le Dieu dont se réclament les savants déistes. Nos adversaires, en général, n’insistent pas outre mesure sur le Dieu anthropomorphe de la Bible. Cela se comprend. Le Dieu philosophique, pur esprit, paraît beaucoup moins vulnérable. Cependant, ni catholiques, ni protestants, ni juifs, ne peuvent renier le premier. Pour leur confusion, il ne résiste pas à l’examen. Ignorant, jaloux, faillible, malhonnête, brigand, plaisantin, lutteur, cruel et sanguinaire par dessus tout, voilà ses principaux attributs. Ce Dieu, répondant à la mentalité grossière d’un petit peuple ignorant d’Asie Mineure vivant il y a 4 ou 5000 ans, est rejeté aujourd’hui par tous les