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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.2.djvu/69

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siologiques des êtres pensants. La pensée n’est plus alors un pouvoir mystérieux de divination du monde extérieur ; elle n’est qu’une réponse aux excitations de ce monde. Quelle que soit l’extraordinaire subtilité d’une pensée, on peut toujours, à l’analyse, remonter aux éléments sensoriels qui la composent, unis à l’activité organique de l’individu. Les sentiments, même les plus complexes, sont des produits de la répétition et de l’organisation d’une certaine sorte de sensations liées à des fonctions organiques excessivement importantes, telles que : sexualité, nutrition, activité, etc…

Il suffit, d’ailleurs, de constater tous les mauvais fonctionnements psychologiques de l’humanité pour comprendre que ce n’est pas là le fait d’une puissance indépendante des phénomènes physico-chimiques de l’Univers. Même chez les êtres normaux, le minimum d’harmonie que l’on serait en droit de voir se réaliser : c’est-à-dire un peu de fraternité déterminant les hommes, sinon à s’aimer, tout au moins à se respecter mutuellement, n’existe pas. L’homme se conduit comme une bête exploiteuse et massacreuse. Il a des rages économiques, patriotiques, nationales, religieuses, artistiques et même scientifiques qui l’apparentent plus à l’animal grognant, rongeant, déchirant et dévorant sa proie, qu’à un spectateur intelligent de l’Univers.

L’impression que donne l’activité de l’humanité est celle d’une lutte, d’un heurt, d’un choc de forces se détruisant les unes les autres, sans but et sans fin, comme d’ailleurs tout le reste de l’univers.

Le sensualisme ne fait donc que trouver le point de contact entre les forces objectives et les forces subjectives que nous connaissons.

Prises sur une certaine durée, quelques unes de ces forces ou de ces mouvements paraissent stables et coexister avec d’autres mouvements également stables. Nous appelons cela de l’harmonie en opposition avec d’autres mouvements qui se détruisent beaucoup plus rapidement et d’une moindre durée. L’harmonie est un désordre qui ne se voit pas et qui dure plus que notre observation.

Nous-mêmes, nous sommes le fait d’un semblable désordre qui ne se voit pas et que nous appelons : harmonie des fonctions organiques, harmonie de la pensée, etc… ; et lorsque celà se voit, lorsque nous devenons cadavre et pourriture, alors l’évidence d’un certain désordre, d’un certain chaos cellulaire paraît incompatiblement avec une réelle harmonie.


Le terme sensualisme est encore entendu comme un mode de jouissance de la vie, basé sur les plaisirs des sens. L’ignorance et l’hypocrisie des mœurs actuelles en réprouve, bien entendu, les manifestations tout en ne faisant pas autre chose que de l’hyper-sensualisme, et du plus dangereux.

Les religions n’existent que grâce à une exploitation habile de la sensualité, et les religions d’état ne font pas mieux, pour des fins exploiteuses et meurtrières.

A chaque glorification, célébration ou autre fait public, tout est mis en œuvre pour capter l’asservissement des citoyens ou des fidèles par des émotions visuelles, auditives, gustatives, olfactives, etc…

En réalité, la sensualité est une des bonnes raisons de vivre. C’est elle qui donne de l’éclat et de l’intensité à nos désirs et transforme nos besoins physiologiques en réalisations esthétiques, en nous éloignant de la bête obtuse et limitée. L’art n’est rien sans la sensualité, et le rôle de l’imagination dans ce domaine de notre activité est évident. La sensualité, inséparable de l’intelligence se raffine parallèlement à la culture des individus.

Comme toutes les manifestations psychiques, elle est une source de plaisir et de joie chez l’homme équilibré, alors qu’elle n’est qu’une cause d’abrutissement chez le faible, le malade ou le passionné.

Les curieux de la vie, les amoureux de l’heure qui passe aiment trop les plaisirs sensuels pour se laisser déborder par un seul d’entre eux. Ils les cultivent tous pour en jouir pleinement, intensément, mais avec intelligence et pour les faire durer.

Et quand bien même un humain s’userait d’un seul coup dans une jouissance inouïe, s’il ne fait de tort à personne, que peut-on lui reprocher ?

Sa vie lui appartient ; il fait de la place aux autres et la terre continuera de tourner. — Ixigrec.


SERVAGE Le servage, état de servitude du serf, le servus, l’esclave antique, est la forme d’exploitation humaine particulière aux sociétés féodales (voir Féodalité). Il se constitua avec elles lorsque le conquérant barbare se fut fixé dans 10 pays conquis. L’esclave fut alors attaché à la terre et devint un bien immeuble comme elle, ne pouvant être légué, vendu, échangé, qu’avec le domaine sur lequel il vivait.

Le colonat, établi dans les derniers temps de l’Empire romain pour fixer à la terre les travailleurs qui l’abandonnaient, avait été une première forme du servage. Celui-ci ne trouva sa véritable application sociale que dans la société féodale dont il constitua la base économique. Les premiers serfs furent les esclaves que les Barbares amenèrent avec eux. Leurs enfants firent de plus en plus partie intégrante du domaine à mesure que se fortifia la société féodale. A l’encontre de l’esclave, le serf avait la capacité juridique lui permettant de se créer un foyer et de posséder ; mais son maître avait droit de vie et de mort sans aucun contrôle, sur lui et sur les siens serfs comme lui. Il était de plus main-mortable, ce qui permettait à son maître d’hériter de lui aux dépens de sa famille. Telle est l’origine du servage, système féodal qui régit la condition paysanne jusqu’à la Révolution de 1789 en France, et encore après dans d’autres pays. Il en est où le servage n’a pas encore disparu, de même que l’esclavage dans d’autres.

Les formes du servage ont varié suivant les lieux et les époques, de même que celles des sociétés féodales ; mais il est à remarquer que si ces dernières ont été de plus en plus diminuées dans leur puissance politique, elles ont maintenu, malgré vents et marées, la structure économique basée sur le servage jusqu’au jour où elles ont elles-mêmes disparu.

Jusqu’au XIIe siècle, les formes du servage furent généralement très dures. Le serf, ou vilain, ne pouvait pas plus disposer de ses biens mobiliers que de sa personne. Il ne pouvait se marier en dehors du domaine auquel il appartenait. Il devait son travail au seigneur en toutes circonstances, sous forme de corvées de tous genres. Le maître avait le droit exclusif de chasse, de garenne, de colombier, de vente de la vendange ou du vin. Le serf payait la capitation ou chevage, taxe personnelle annuelle, et la taille, impôt mobilier ; le seigneur fixait le taux de ces impôts comme il lui plaisait. Il payait, en outre, toutes sortes de redevances, en argent ou en nature, pour moudre son blé, cuire son pain, faire son vin, au moulin, au four, au pressoir seigneuriaux. Il payait aussi des taxes supplémentaires pour les fêtes du manoir, pour les expéditions guerrières, les voyages du seigneur et de sa suite. Il devait le service militaire et ne pouvait s’en faire dispenser que contre argent. Il payait encore pour pouvoir circuler sur les routes, aller aux marchés, aux halles, aux foires, aux ports. Il payait toujours et pour tout, sans avoir le droit de se faire rendre justice ; il ne pouvait ni comparaître ni témoigner devant des juges, et ceux-ci, qui étaient les seigneurs eux-mêmes ou leurs affidés, lui faisaient payer des amendes ou le frappaient de confiscations. Toute la vermine seigneuriale qui détenait les emplois : intendants, maires, prévôts, bailes, rafle-pécune et coupe-jarrets, avait les mêmes droits