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Les Plaines du Penjaub

Indous, tout comme leur visage encadré de barbes d’ébène, leur haute stature, leur port élégant, l’ensemble fier et martial de leur physionomie, les distingue même des nobles guerriers Radjputs. Quand un enfant Sik naît, il épouse le fer : celui qui défend et qui tue ; le glaive, ou celui dont l’arête polie pénètre la terre nourricière et féconde : la charrue. Il est soldat ou laboureur ; jamais son âme ne s’avilit dans les cupides calculs du marchand de bazars, vénal et sans scrupules. Les Siks, vaincus, après avoir livré à la puissance britannique des combats de géants, devinrent ses alliés constants et loyaux ; leurs régiments se distinguèrent pendant la révolte des cipayes, en 1857, comme les plus fidèles au nouveau drapeau sous lequel ils avaient désormais juré de rester groupés.

Leur grande autorité religieuse est représentée par les « grunts », bibles conservées au temple d’or, appelé aussi « Durbar » (temple). Les Européens le visitent aisément, mais l’étiquette indigène exige qu’on se déchausse pour revêtir des pantoufles d’étoffe, destinées à éviter aux saints parvis le contact impur des semelles de cuir.

Nous allons, au matin, assister à la prière dans ce temple fameux.

Une grande pente d’escaliers en marbre blanc s’infléchit depuis le niveau de la rue et de la ville jusqu’à un immense carré emmuraillé dont le centre est occupé par un lac à l’eau morte et verdie. Au milieu s’élève, sur un îlot, un bâtiment de stuc, à coupoles et minarets dorés, rutilant dans la lumière implacable reflétée par les murs crayeux de l’enceinte. Un quai de marbre blanc strié de losanges en mosaïque rouge et noir, enserre la nappe tranquille ; une chaussée, polie par les pas dévots, joint le temple à la rive de marbre. Sous des auvents de toiles, des champignons de paille tressée, les marchands d’idoles indoues s’abétissent à relancer les passants par la répétition nasillarde des bienfaits de leurs dieux ; ils les prirent pour quelques « pices », promettant leurs bénédictions spéciales à l’acquéreur le plus généreux. D’autres, inertes, stupéfiés, fixent des yeux vitreux sur un feu de brindilles et y versent des parfums et du beurre fondu, en murmurant une incantation. Des Bhrames se baignent, l’œil ardent, les mains tendues vers le soleil, l’eau glisse entre leurs paumes jointes, ruisselle sur la face, les bras, le corps, et de leurs lèvres s’échappe la prière de « Gayatri mère des Védas. »

Des « Sadhous »[1], drapés dans des toges de coton saumon, un gigantesque bâton à la main, prêchent à leurs disciples, tout en

  1. Ascètes.