Page:Faydit de Terssac - À travers l’Inde en automobile.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
119
À Travers l’Inde en Automobile

marchant d’une allure noble, légèrement traînante ; leur physionomie intelligente, pleine de rêves fous, de spiritualité extravagante, force l’admiration…, puis, ils tendent la main, ils s’humilient, ils implorent, ils font valoir leurs pouvoirs sur les dieux, et le cabotin, le simoniaque en eux dégoûte et repousse.

Les Siks, avec une libéralité qui n’existe pas dans les autres cultes, autorisent les fidèles et les maîtres des confessions brahmaniales, à user des alentours du sanctuaire d’or pour y venir accomplir leurs dévotions. Les ascètes Siks, derniers vestiges des redoutables Akalis, rappellent aux curieux que si, par tolérance, ces sépulcres blanchis usurpent l’autorité au profit de leurs dieux, seul le dieu des Siks, un dieu guerrier comme Allah, bon comme Celui des chrétiens, a droit ici aux hommages, aux prières ordonnées par les « Grunts » inspirés, l’aspect des Akalis impose le respect de la force guerrière. Des carcans en fer, doubles, triples, serrent leurs cous, des bracelets d’acier, des chaînes soutiennent leurs couteaux, leurs haches ; leurs vêtements d’étoffe de laine bleue sombre n’est égayée que par l’éclat du métal fort : le fer, qui luit en cercles multiples sur leur turban pyramydal, à leurs bras nerveux en serpent de bronze. Ce sont les « Soldats de Dieu », les fils de ces fanatiques que Ranjit Singh faisait donner à la fin d’un combat désespéré. Ivres de foi et de vin, ils s’élançaient avec des cris furieux, armés de leurs flèches barbelées, ils enlevaient une position inexpugnable et assuraient la victoire au Maharadja. Dans les bazars de Lahore et d’Amritsar, ils avaient interdit l’appel des « muezzin » à la prière, n’admettant pas qu’au-dessus de leurs villes sacrées, le vent portât au loin les louanges d’un Dieu qui n’était pas le leur. Le temps a modifié les êtres et les choses, et les Akalis ne conservent plus de nos jours que leurs armes, inoffensives comme leurs âmes apaisées.

Ils se tiennent en groupes fiers et austères sous le porche doré de la chaussée du temple, fioriture de miroirs et de plaques d’étain, dons des Maharadja Siks. L’on vend dans cette cour des roses à profusion, des soucis, des jasmins, des coquillages et du riz sec, aux femmes qui vont en grand nombre faire leurs dévotions ; ne vivant pas en « purdha »[1], elles circulent librement, marchant vivement, les coudes au corps, les mains ouvertes, pleines de grâces et de piété. Sur le seuil du temple, elles s’arrêtent, baisent le sol et pénètrent ensuite dans la salle où, derrière les « grunts », recouverts d’étoffes de soie, le grand prêtre est accroupi sur des coussins, avec ses acolytes, coiffé de turbans soufre. Sur deux rangs, des musiciens raclent de courtes

  1. En recluses littéralement « voilées ».