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TÉLÉMAQUE.

le connaître. La vérité ne peut percer la foule des flatteurs pour aller jusqu’à lui. Il est tyrannisé par ses passions ; il ne connaît point ses devoirs ; il n’a jamais goûté le plaisir de faire le bien, ni senti les charmes de la pure vertu. Il est malheureux et digne de l’être : son malheur augmente tous les jours ; il court à sa perte, et les dieux se préparent à le confondre par une punition éternelle. Toute l’assemblée avoua que j’avais vaincu le sage Lesbien, et les vieillards déclarèrent que j’avais rencontré le vrai sens de Minos.

Pour la troisième question, on demande lequel des deux est préférable ; d’un côté un roi conquérant et invincible dans la guerre ; de l’autre un roi sans expérience de la guerre, mais propre à policer sagement les peuples dans la paix. La plupart répondirent que le roi invincible dans la guerre était préférable. À quoi sert, disaient-ils, d’avoir un roi qui sache bien gouverner en paix, s’il ne sait pas défendre le pays quand la guerre vient ? Les ennemis le vaincront, et réduiront son peuple en servitude. D’autres soutenaient, au contraire, que le roi pacifique serait meilleur, parce qu’il craindrait la guerre, et l’éviterait par ses soins. D’autres disaient qu’un roi conquérant travaillerait à la gloire de son peuple aussi bien qu’à la sienne, et qu’il rendrait ses sujets maîtres des autres nations ; au lieu qu’un roi pacifique les tiendrait dans une honteuse lâcheté.

On voulut savoir mon sentiment. Je répondis ainsi : Un roi qui ne sait gouverner que dans la paix ou dans la guerre et qui n’est pas capable de conduire son peuple dans ces deux états, n’est qu’à demi roi. Mais si vous comparez un roi qui ne sait que la guerre, à un roi sage, qui, sans savoir la guerre, est capable de la soutenir dans le besoin par ses généraux, je le trouve préférable à l’autre. Un roi entièrement tourné à la guerre voudrait toujours la faire : pour