Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
TÉLÉMAQUE.

lui échappât, usait de mille artifices pour le retenir dons ses liens. Déjà elle allait partir avec lui pour la seconde chasse, et elle était vêtue comme Diane. Vénus et Cupidon avaient répandu sur elle de nouveaux charmes ; en sorte que ce jour-là sa beauté effaçait celle de la déesse Calypso même. Calypso, la regardant de loin, se regarda en même temps dans la plus claire de ses fontaines, et elle eut honte de se voir. Alors elle se cacha au fond de sa grotte, et parla ainsi toute seule :

Il ne me sert donc de rien d’avoir voulu troubler ces deux amants, en déclarant que je veux être de cette chasse ! En serai-je ? irai-je la faire triompher, et faire servir ma beauté à relever la sienne ? Faudra-t-il que Télémaque, en me voyant, soit encore plus passionné pour son Eucharis ? Ô malheureuse ! qu’ai-je fait ? Non, je n’y irai pas, ils n’y iront pas eux-mêmes, je saurai bien les en empêcher. Je vais trouver Mentor ; je le prierai d’enlever Télémaque : il le remmènera à Ithaque, Mais que dis-je ; et que deviendrai-je quand Télémaque sera parti ? Où suis-je ? Que reste-t-il à faire ? Ô cruelle Vénus ! Vénus, vous m’avez trompée ! ô perfide présent que vous m’avez fait ! Pernicieux enfant ! Amour empesté ! je ne t’avais ouvert mon cœur que dans l’espérance de vivre heureuse avec Télémaque, et tu n’as porté dans ce cœur que trouble et que désespoir ! Mes nymphes sont révoltées contre moi. Ma divinité ne me sert plus qu’à rendre mon malheur éternel. Oh ! si j’étais libre de me donner la mort pour finir mes douleurs ! Télémaque, il faut que tu meures, puisque je ne puis mourir ! Je me vengerai de tes ingratitudes : ta nymphe le verra, et je te percerai à ses yeux. Mais je m’égare. Ô malheureuse Calypso ! que veux-tu ? faire périr un innocent que tu as jeté toi-même