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TÉLÉMAQUE.

Ces paroles flatteuses firent glisser l’espérance et la joie jusqu’au fond des entrailles de Calypso. Ce qu’un zéphir fait par sa fraîcheur sur le bord d’un ruisseau, pour délasser les troupeaux languissants que l’ardeur de l’été consume, ce discours le fit pour apaiser le désespoir de la déesse. Son visage devint serein, ses yeux s’adoucirent, les noirs soucis qui rongeaient son cœur s’enfuirent pour un moment loin d’elle : elle s’arrêta, elle sourit, elle flatta le folâtre Amour ; et, en le flattant, elle se prépara de nouvelles douleurs.

L’Amour, content de l’avoir persuadée, alla pour persuader aussi les nymphes, qui étaient errantes et dispersées sur toutes les montagnes, comme un troupeau de moutons que la rage des loups affamés a mis en fuite loin du berger. L’Amour les rassemble, et leur dit : Télémaque est encore en vos mains ; hâtez-vous de brûler ce vaisseau que le téméraire Mentor a fait pour s’enfuir. Aussitôt elles allument des flambeaux ; elles accourent sur le rivage ; elles frémissent ; elles poussent des hurlements ; elles secouent leurs cheveux épars, comme des Bacchantes. Déjà la flamme vole ; elle dévore le vaisseau, qui est d’un bois sec et enduit de résine ; des tourbillons de fumée et de flamme s’élèvent dans les nues.

Télémaque et Mentor aperçoivent ce feu de dessus le rocher, et entendent les cris des nymphes. Télémaque fut tenté de s’en réjouir, car son cœur n’était pas encore guéri ; et Mentor remarquait que sa passion était comme un feu mal éteint, qui sort de temps en temps de dessous la cendre, et qui repousse de vives étincelles. Me voilà donc, dit Télémaque, rengagé dans mes liens ! Il ne nous reste plus aucune espérance de quitter cette île.

Mentor vit bien que Télémaque allait retomber dans