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TÉLÉMAQUE.

garçons et de jeunes filles qui chantaient des vers à la louange du dieu qui tient dans ses mains la foudre. Ces enfants, choisis de la figure la plus agréable, avaient de longs cheveux flottant sur leurs épaules. Leurs têtes étaient couronnées de roses, et parfumées ; ils étaient tous vêtus de blanc. Idoménée faisait à Jupiter un sacrifice de cent taureaux pour se le rendre favorable dans une guerre qu’il avait entreprise contre ses voisins. Le sang des victimes fumait de tous côtés : on le voyait ruisseler dans les profondes coupes d’or et d’argent.

Le vieillard Théophane, ami des dieux et prêtre du temple, tenait, pendant le sacrifice, sa tête couverte d’un bout de sa robe de pourpre : ensuite il consulta les entrailles des victimes qui palpitaient encore ; puis s’étant mis sur le trépied sacré : Ô dieux, s’écria-t-il, quels sont donc ces deux étrangers que le ciel envoie en ces lieux ? Sans eux, la guerre entreprise nous serait funeste, et Salente tomberait en ruine avant que d’achever d’être élevée sur ses fondements. Je vois un jeune héros que la sagesse mène par la main. Il n’est pas permis à une bouche mortelle d’en dire davantage.

En disant ces paroles, son regard était farouche et ses yeux étincelants ; il semblait voir d’autres objets que ceux qui paraissaient devant lui ; son visage était enflammé ; il était troublé et hors de lui-même ; ses cheveux étaient hérissés, sa bouche écumante, ses bras levés et immobiles. Sa voix émue était plus forte qu’aucune voix humaine : il était hors d’haleine, et ne pouvait tenir renfermé au-dedans de lui l’esprit divin qui l’agitait.

Ô heureux Idoménée ! s’écria-t-il encore, que vois-je ! Quels malheurs évités ! quelle douce paix au dedans ! mais au dehors quels combats ! Quelles victoires ! Ô Télémaque,