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LIVRE ix.

Il commençait à sentir les injures de la froide vieillesse ; mais ses paroles étaient encore pleines de force et de douceur : il racontait les choses passées, pour instruire la jeunesse par ses expériences ; mais il les racontait avec grâce, quoique avec un peu de lenteur. Ce vieillard, admiré de toute la Grèce, sembla avoir perdu toute son éloquence et toute sa majesté dès que Mentor parut avec lui. Sa vieillesse paraissait flétrie et abattue auprès de celle de Mentor, en qui les ans semblaient avoir respecté la force et la vigueur du tempérament. Les paroles de Mentor, quoique graves et simples, avaient une vivacité et une autorité qui commençaient à manquer à l’autre. Tout ce qu’il disait était court, précis et nerveux. Jamais il ne faisait aucune redite ; jamais il ne racontait que le fait nécessaire pour l’affaire qu’il fallait décider. S’il était obligé de parler plusieurs fois d’une même chose, pour l’inculquer, ou pour parvenir à la persuasion, c’était toujours par des tours nouveaux et par des comparaisons sensibles. Il avait même je ne sais quoi de complaisant et d’enjoué, quand il voulait se proportionner aux besoins des autres, et leur insinuer quelque vérité. Ces deux hommes si vénérables furent un spectacle touchant à tant de peuples assemblés.

Pendant que tous les alliés ennemis de Salente se jetaient en foule les uns sur les autres pour les voir de plus près, et pour tâcher d’entendre leurs sages discours, Idoménée et tous les siens s’efforçaient de découvrir, par leurs regards avides et empressés, ce que signifiaient leurs gestes et l’air de leurs visages.

Cependant, Télémaque impatient se dérobe à la multitude qui l’environne ; il court à la porte par où Mentor était sorti ; il se la fait ouvrir avec autorité. Bientôt Ido-