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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/225

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TÉLÉMAQUE.

rence ; consultez-les ; priez les plus habiles de vous instruire ; et n’ayez point de honte d’attribuer à leurs instructions tout ce que vous ferez de meilleur. Enfin, n’écoutez jamais les discours par lesquels on voudra exciter votre défiance ou votre jalousie contre les autres chefs. Parlez-leur avec confiance et ingénuité. Si vous croyez qu’ils aient manqué à votre égard, ouvrez-leur votre cœur, expliquez-leur toutes vos raisons. S’ils sont capables de sentir la noblesse de cette conduite, vous les charmerez, et vous tirerez d’eux tout ce que vous aurez sujet d’en attendre. Si au contraire ils ne sont pas assez raisonnables pour entrer dans vos sentiments, vous serez instruit par vous-même de ce qu’il y aura en eux d’injuste à souffrir ; vous prendrez vos mesures pour ne vous plus commettre jusqu’à ce que la guerre finisse, et vous n’aurez rien à vous reprocher. Mais surtout ne dites jamais à certains flatteurs, qui sèment la division, les sujets de peine que vous croirez avoir contre les chefs de l’armée où vous serez.

Je demeurerai ici, continua Mentor, pour secourir Idoménée dans le besoin où il est de travailler au bonheur de ses peuples, et pour achever de lui faire réparer les fautes que ses mauvais conseils et les flatteurs lui ont fait commettre dans l’établissement de son nouveau royaume.

Alors Télémaque ne put s’empêcher de témoigner à Mentor quelque surprise, et même quelque mépris pour la conduite d’Idoménée. Mais Mentor l’en reprit d’un ton sévère. Êtes-vous étonné, lui dit-il, de ce que les hommes les plus estimables sont encore hommes, et montrent encore quelques restes des faiblesses de l’humanité parmi les pièges innombrables et les embarras inséparables de la royauté ? Idoménée, il est vrai, a été nourri dans des idées de faste et de hauteur ; mais quel philosophe pourrait se défendre