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TÉLÉMAQUE.

vieux Aceste, sorti de Troie. À peine fûmes-nous arrivés sur ce rivage, que les habitants crurent que nous étions, ou d’autres peuples de l’île armés pour les surprendre, ou des étrangers qui venaient s’emparer de leurs terres. Ils brûlent notre vaisseau ; dans le premier emportement, ils égorgent tous nos compagnons ; ils ne réservent que Mentor et moi pour nous présenter à Aceste, afin qu’il pût savoir de nous quels étaient nos desseins, et d’où nous venions. Nous entrons dans la ville avec les mains liées derrière le dos ; et notre mort n’était retardée que pour nous faire servir de spectacle à un peuple cruel, quand on saurait que nous étions Grecs.

On nous présenta d’abord à Aceste, qui, tenant son sceptre d’or en main, jugeait les peuples, et se préparait à un grand sacrifice. Il nous demanda, d’un ton sévère, quel était notre pays et le sujet de notre voyage. Mentor se hâta de répondre, et lui dit : Nous venons des côtes de la grande Hespérie, et notre patrie n’est pas loin de là. Ainsi il évita de dire que nous étions Grecs. Mais Aceste, sans l’écouter davantage, et nous prenant pour des étrangers qui cachaient leur dessein, ordonna qu’on nous envoyât dans une forêt voisine, où nous servirions en esclaves sous ceux qui gouvernaient ses troupeaux.

Cette condition me parut plus dure que la mort. Je m’écriai : Ô roi ! faites-nous mourir plutôt que de nous traiter si indignement ! Sachez que je suis Télémaque, fils du sage Ulysse, roi des Ithaciens. Je cherche mon père dans toutes les mers : si je ne puis ni le trouver, ni retourner dans ma patrie, ni éviter la servitude, ôtez-moi la vie, que je ne saurais supporter.

À peine eus-je prononcé ces mots, que tout le peuple, ému s’écria qu’il fallait faire périr le fils de ce cruel