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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/272

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LIVRE xi.

jamais : ainsi ses emplois détruisaient sa santé délicate. Mais, à Samos, Hégésippe le voyait gras et vigoureux ; malgré les ans, la jeunesse fleurie s’était renouvelée sur son visage ; une vie sobre, tranquille et laborieuse lui avait fait comme un nouveau tempérament.

Vous êtes surpris de me voir si changé, dit alors Philoclès en souriant ; c’est ma solitude qui m’a donné cette fraîcheur et cette santé parfaite : mes ennemis m’ont donné ce que je n’aurais jamais pu trouver dans la plus grande fortune. Voulez-vous que je perde les vrais biens pour courir après les faux, et pour me replonger dans mes anciennes misères ? Ne soyez pas plus cruel que Protésilas ; du moins ne m’enviez pas le bonheur que je tiens de lui.

Alors Hégésippe lui représenta, mais inutilement, tout ce qu’il crut propre à le toucher. Êtes-vous donc, lui disait-il, insensible au plaisir de revoir vos proches et vos amis, qui soupirent après votre retour, et que la seule espérance de vous embrasser comble de joie ? Mais vous qui craignez les dieux, et qui aimez votre devoir, comptez-vous pour rien de servir votre roi, de l’aider dans tous les biens qu’il vaut faire, et de rendre tant de peuples heureux ? Est-il permis de s’abandonner à une philosophie sauvage, de se préférer à tout le reste du genre humain, et d’aimer mieux son repos que le bonheur de ses concitoyens ? Au reste, on croira que c’est par ressentiment que vous ne voulez plus voir le roi. S’il vous a voulu faire du mal, c’est qu’il ne vous a point connu : ce n’était pas le véritable, le bon, le juste Philoclès qu’il a voulu faire périr ; c’était un homme bien différent de vous qu’il voulait punir. Mais maintenant qu’il vous connaît, et qu’il ne vous prend plus pour un autre, il sent toute son ancienne amitié revivre dans son cœur : il vous attend ; déjà il vous tend les bras pour vous