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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/290

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LIVRE xii.

lenteur je me traînais ; les cris perçants et douloureux dont Je faisais retentir les échos de tout ce rivage attendrirent son cœur.

Ô étranger ! lui dis-je d’assez loin, quel malheur t’a conduit dans cette île inhabitée ? je reconnais l’habit grec, cet habit qui m’est encore si cher. Oh ! qu’il me tarde d’entendre ta voix, et de trouver sur tes lèvres cette langue que j’ai apprise dès l’enfance, et que je ne puis plus parler à personne depuis si longtemps dans cette solitude ! Ne sois point effrayé de voir un homme si malheureux ; tu dois en avoir pitié.

À peine Néoptolème m’eut dit, Je suis Grec, que je m’écriai : Ô douce parole, après tant d’années de silence et de douleur sans consolation ! Ô mon fils ! quel malheur, quelle tempête, ou plutôt quel vent favorable t’a conduit ici pour finir mes maux ? Il me répondit : Je suis de l’île de Scyros, j’y retourne ; on dit que je suis fils d’Achille : tu sais tout.

Des paroles si courtes ne contentaient pas ma curiosité ; je lui dis : Ô fils d’un père que j’ai tant aimé ! cher nourrisson de Lycomède, comment viens-tu donc ici ? d’où viens-tu ? Il me répondit qu’il venait du siège de Troie. Tu n’étais pas, lui dis-je, de la première expédition. Et toi, me dit-il, en étais-tu ? Alors je lui répondis : Tu ne connais, je le vois bien, ni le nom de Philoctète, ni ses malheurs. Hélas ! infortuné que je suis ! mes persécuteurs m’insultent dans ma misère : la Grèce ignore ce que je souffre ; ma douleur augmente. Les Atrides m’ont mis en cet état ; que les dieux le leur rendent !

Ensuite je lui racontai de quelle manière les Grecs m’avaient abandonné. Aussitôt qu’il eut écouté mes plaintes, il me fit les siennes. Après la mort d’Achille, me dit-il…