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TÉLÉMAQUE.

D’abord je l’interrompis, en lui disant : Quoi ! Achille est mort ! Pardonne-moi, mon fils, si je trouble ton récit par les larmes que je dois à ton père. Néoptolème me répondit : Vous me consolez en m’interrompant ; qu’il m’est doux de voir Philoctète pleurer mon père !

Néoptolème, reprenant son discours, me dit : Après la mort d’Achille, Ulysse et Phénix me vinrent chercher, assurant qu’on ne pouvait sans moi renverser la ville de Troie. Ils n’eurent aucune peine à m’emmener ; car la douleur de la mort d’Achille, et le désir d’hériter de sa gloire dans cette célèbre guerre, m’engageaient assez à les suivre. J’arrive à Sigée ; l’armée s’assemble autour de moi : chacun jure qu’il revoit Achille ; mais, hélas ! il n’était plus. Jeune et sans expérience, je croyais pouvoir tout espérer de ceux qui me donnaient tant de louanges. D’abord je demande aux Atrides les armes de mon père ; ils me répondent cruellement : Tu auras le reste de ce qui lui appartenait ; mais pour ses armes, elles sont destinées à Ulysse. Aussitôt je me trouble, je pleure, je m’emporte ; mais Ulysse, sans s’émouvoir, me disait : Jeune homme, tu n’étais pas avec nous dans les périls de ce long siège ; tu n’as pas mérité de telles armes, et tu parles déjà trop fièrement ; jamais tu ne les auras. Dépouillé injustement par Ulysse, je m’en retourne dans l’île de Scyros, moins indigné contre Ulysse que contre les Atrides. Que quiconque est leur ennemi puisse être l’ami des dieux ! Ô Philoctète, j’ai tout dit.

Alors je demandai à Néoptolème comment Ajax Télamonien n’avait pas empêché cette injustice. Il est mort, me répondit-il. Il est mort ! m’écriai-je ; et Ulysse ne meurt point ! au contraire, il fleurit dans l’armée ! Ensuite je lui demandai des nouvelles d’Antiloque, fils du sage Nestor, et de Patrocle, si chéri par Achille. Ils sont morts aussi, me