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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/303

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TÉLÉMAQUE.

conduire un cheval ; il avait presque la taille et la force d’Hercule. Toute l’armée le craignait ; car il était encore plus querelleur et plus brutal qu’il n’était fort et vaillant. Hippias, ayant vu avec quelle hauteur Télémaque avait menacé son frère, va à la hâte prendre les prisonniers pour les emmener à Tarente, sans attendre le jugement de l’assemblée. Télémaque, à qui on vint le dire en secret, sortit en frémissant de rage. Tel qu’un sanglier écumant, qui cherche le chasseur par lequel il a été blessé, on le voyait errer dans le camp, cherchant des yeux son ennemi, et branlant le dard dont il le voulait percer. Enfin il le rencontre ; et, en le voyant, sa fureur se redouble. Ce n’était plus ce sage Télémaque instruit par Minerve sous la figure de Mentor, c’était un frénétique, ou un lion furieux.

Aussitôt il crie à Hippias : Arrête, ô le plus lâche de tous les hommes ! arrête ; nous allons voir si tu pourras m’enlever les dépouilles de ceux que j’ai vaincus. Tu ne les conduiras point à Tarente ; va ; descends tout à l’heure dans les rives sombres du Styx. Il dit, et il lança son dard ; mais il le lança avec tant de fureur, qu’il ne put mesurer son coup ; le dard ne toucha point Hippias. Aussitôt Télémaque prend son épée, dont la garde était d’or, et que Laërte lui avait donnée, quand il partit d’Ithaque, comme un gage de sa tendresse. Laërte s’en était servi avec beaucoup de gloire, pendant qu’il était jeune ; et elle avait été teinte du sang de plusieurs fameux capitaines des Épirotes, dans une guerre où Laërte fut victorieux. À peine Télémaque eut tiré cette épée, qu’Hippias, qui voulait profiter de l’avantage de sa force, se jeta pour l’arracher des mains du jeune fils d’Ulysse. L’épée se rompt dans leurs mains ; ils se saisissent et se serrent l’un