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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/304

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LIVRE xiii.

l’autre. Les voilà comme deux bêtes cruelles qui cherchent à se déchirer ; le feu brille dans leurs yeux ; ils se raccourcissent, ils s’allongent, ils s’abaissent, ils se relèvent, ils s’élancent, ils sont altérés de sang. Les voilà aux prises, pied contre pied, main contre main : ces deux corps entrelacés semblaient n’en faire qu’un. Mais Hippias, d’un âge plus avancé semblait devoir accabler Télémaque, dont la tendre jeunesse était moins nerveuse. Déjà Télémaque, hors d’haleine, sentait ses genoux chancelants. Hippias, le voyant ébranlé, redoublait ses efforts. C’était fait du fils d’Ulysse ; il allait porter la peine de sa témérité et de son emportement, si Minerve, qui veillait de loin sur lui, et qui ne le laissait dans cette extrémité de péril, que pour l’instruire, n’eût déterminé la victoire en sa faveur.

Elle ne quitta point le palais de Salente ; mais elle envoya Iris, la prompte messagère des dieux. Celle-ci, volant d’une aile légère, fendit les espaces immenses des airs, laissant après elle une longue trace de lumière qui peignait un nuage de mille diverses couleurs. Elle ne se reposa que sur le rivage de la mer où était campée l’armée innombrable des alliés : elle voit de loin la querelle, l’ardeur et les efforts des deux combattants ; elle frémit à la vue du danger où était le jeune Télémaque ; elle s’approche, enveloppée d’un nuage clair qu’elle avait formé de vapeurs subtiles. Dans le moment où Hippias, sentant toute sa force, se crut victorieux, elle couvrit le jeune nourrisson de Minerve de l’égide que la sage déesse lui avait confiée. Aussitôt Télémaque, dont les forces étaient épuisées, commence à se ranimer. À mesure qu’il se ranime, Hippias se trouble ; il sent je ne sais quoi de divin qui l’étonne et qui l’accable. Télémaque le presse et l’attaque,