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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/363

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TÉLÉMAQUE.

soulager ceux qui s’y appliquent, et de ne souffrir point que les hommes vivent ni oisifs, ni occupés à des arts qui entretiennent le luxe et la mollesse. Ces deux hommes, qui ont été si sages sur la terre, sont ici chéris des dieux. Remarque, mon fils, que leur gloire surpasse autant celle d’Achille et des autres héros qui n’ont excellé que dans les combats, qu’un doux printemps est au-dessus de l’hiver glacé, et que la lumière du soleil est plus éclatante que celle de la lune.

Pendant qu’Arcésius parlait de la sorte, il aperçut que Télémaque avait toujours les yeux arrêtés du côté d’un petit bois de lauriers, et d’un ruisseau bordé de violettes, de roses, de lis, et de plusieurs autres fleurs odoriférantes, dont les vives couleurs ressemblaient à celles d’Iris, quand elle descend du ciel sur la terre pour annoncer à quelque mortel les ordres des dieux. C’était le grand roi Sésostris, que Télémaque reconnut dans ce beau lieu ; il était mille fois plus majestueux qu’il ne l’avait jamais été sur son trône d’Égypte. Des rayons d’une lumière douce sortaient de ses yeux, et ceux de Télémaque en étaient éblouis. À le voir, on eut cru qu’il était enivré de nectar ; tant l’esprit divin l’avait mis dans un transport au-dessus de la raison humaine, pour récompenser ses vertus.

Télémaque dit à Arcésius : Je reconnais, ô mon père, Sésostris, ce sage roi d’Égypte, que j’y ai vu il n’y a pas longtemps. Le voilà, répondit Arcésius ; et tu vois, par son exemple, combien les dieux sont magnifiques à récompenser les bons rois. Mais il faut que tu saches que toute cette félicité n’est rien en comparaison de celle qui lui était destinée, si une trop grande prospérité ne lui eût fait oublier les règles de la modération et de la justice. La passion de rabaisser l’orgueil et l’insolence des Tyriens