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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/373

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TÉLÉMAQUE.

mes avec justice, prudence et modération, laissez-moi interroger Acante en votre présence.

Aussitôt il interroge cet homme sur son commerce avec Arion ; il le presse sur une infinité de circonstances ; il fait semblant, plusieurs fois, de le renvoyer à Adraste comme un transfuge digne d’être puni, pour observer s’il aurait peur d’être ainsi renvoyé, ou non ; mais le visage et la voix d’Acante demeurèrent tranquilles : et Télémaque en conclut qu’Acante pouvait n’être pas innocent. Enfin, ne pouvant tirer la vérité du fond de son cœur, il lui dit : Donnez-moi votre anneau, je veux l’envoyer à Adraste. À cette demande de son anneau, Acante pâlit et fut embarrassé. Télémaque, dont les yeux étaient toujours attachés sur lui, l’aperçut ; il prit cet anneau. Je m’en vais, lui dit-il, l’envoyer à Adraste par les mains d’un Lucanien nommé Polytrope, que vous connaissez, et qui paraîtra y aller secrètement de votre part. Si nous pouvons découvrir par cette voie votre intelligence avec Adraste, on vous fera périr impitoyablement par les tourments les plus cruels : si au contraire, vous avouez dès à présent votre faute, on vous la pardonnera, et on se contentera de vous envoyer dans une île de la mer, où vous ne manquerez de rien. Alors Acante avoua tout ; et Télémaque obtint des rois qu’on lui donnerait la vie, parce qu’il la lui avait promise. On l’envoya dans une des îles Échinades, où il vécut en paix.

Peu de temps après, un Daunien d’une naissance obscure, mais d’un esprit violent et hardi, nommé Dioscore, vint la nuit dans le camp des alliés leur offrir d’égorger dans sa tente le roi Adraste. Il le pouvait, car on est maître de la vie des autres quand on ne compte plus pour rien la sienne. Cet homme ne respirait que la vengeance,