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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/376

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LIVRE xv.

cœurs ; tout cède à celui que Minerve conduit invisiblement par la main. Son action n’avait rien d’impétueux ni de précipité ; il était doux, tranquille, patient, toujours prêt à écouter les autres et à profiter de leurs conseils ; mais actif, prévoyant, attentif aux besoins les plus éloignés, arrangeant toutes choses à propos, ne s’embarrassant de rien, et n’embarrassant point les autres ; excusant les fautes, réparant les mécomptes, prévenant les difficultés, ne demandant jamais rien de trop à personne, inspirant partout la liberté et la confiance. Donnait-il un ordre, c’était dans les termes les plus simples et les plus clairs. Il le répétait, pour mieux instruire celui qui devait l’exécuter ; il voyait dans ses yeux s’il l’avait bien compris ; il lui faisait ensuite expliquer familièrement comment il avait compris ses paroles, et le principal but de son entreprise. Quand il avait ainsi éprouvé le bon sens de celui qu’il envoyait, et qu’il l’avait fait entrer dans ses vues, il ne le faisait partir qu’après lui avoir donné quelque marque d’estime et de confiance pour l’encourager. Ainsi, tous ceux qu’il envoyait étaient pleins d’ardeur pour lui plaire et pour réussir : mais ils n’étaient point gênés par la crainte qu’il leur imputerait les mauvais succès, car il excusait toutes les fautes qui ne venaient point de mauvaise volonté.

L’horizon paraissait rouge et enflammé par les premiers rayons du soleil, la mer était pleine des feux du jour naissant. Toute la côte était couverte d’hommes, d’armes, de chevaux, et de chariots en mouvement : c’était un bruit confus, semblable à celui des flots en courroux, quand Neptune excite, au fond de ses abîmes, les noires tempêtes. Ainsi Mars commençait par le bruit des armes et par l’appareil frémissant de la guerre, à semer la rage dans tous