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TÉLÉMAQUE.

rendre les derniers devoirs. Toute l’armée fut plus touchée de ces marques de la bonté de son cœur, que de tous les prodiges de sagesse et de valeur qui venaient d’éclater en lui. Il est sage, il est vaillant, se disaient-ils en secret les uns aux autres ; il est l’ami des dieux, et le vrai héros de notre âge ; il est au-dessus de l’humanité : mais tout cela n’est que merveilleux, tout cela ne fait que nous étonner. Il est humain, il est bon, il est ami fidèle et tendre ; il est compatissant, libéral, bienfaisant, et tout entier à ceux qu’il doit aimer : il est les délices de ceux qui vivent avec lui ; il s’est défait de sa hauteur, de son indifférence et de sa fierté : voilà ce qui est d’usage, voilà ce qui touche les cœurs, voilà ce qui nous attendrit pour lui, et qui nous rend sensibles à toutes ses vertus ; voilà ce qui fait que nous donnerions toutes nos vies pour lui.

À peine ces discours furent-ils finis, qu’on se hâta de parler de la nécessité de donner un roi aux Dauniens. La plupart des princes qui étaient dans le conseil opinaient qu’il fallait partager entre eux ce pays, comme une terre conquise. On offrit à Télémaque, pour sa part, la fertile contrée d’Arpine, qui porte deux fois l’an les riches dons de Cérès, les doux présents de Bacchus, et les fruits toujours verts de l’olivier consacré à Minerve. Cette terre, lui disait-on, doit vous faire oublier la pauvre Ithaque avec ses cabanes, et les rochers affreux de Dulichie, et les bois sauvages de Zacynthe. Ne cherchez plus ni votre père, qui doit être péri dans les flots au promontoire de Capharée, par la vengeance de Nauplius et par la colère de Neptune, ni votre mère, que ses amants possèdent depuis votre départ ; ni votre patrie, dont la terre n’est point favorisée du ciel comme celle que nous vous offrons.