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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/397

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TÉLÉMAQUE.

y puisse régner jusqu’à la plus extrême vieillesse, et que je puisse apprendre longtemps sous lui comment il faut vaincre ses passions pour savoir modérer celles de tout un peuple !

Ensuite Télémaque dit : Écoutez, ô princes assemblés ici, ce que je crois vous devoir dire pour votre intérêt. Si vous donnez aux Dauniens un roi juste, il les conduira avec justice, il leur apprendra combien il est utile de conserver la bonne foi, et de n’usurper jamais le bien de ses voisins ; c’est ce qu’ils n’ont jamais pu comprendre sous l’impie Adraste. Tandis qu’ils seront conduits par un roi sage et modéré, vous n’aurez rien à craindre d’eux : ils vous devront ce bon roi que vous leur aurez donné ; ils vous devront la paix et la prospérité dont ils jouiront : ces peuples, loin de vous attaquer, vous béniront sans cesse ; et le roi et le peuple, tout sera l’ouvrage de vos mains. Si au contraire vous voulez partager leur pays entre vous, voici les malheurs que je vous prédis : ce peuple, poussé au désespoir, recommencera la guerre, il combattra justement pour sa liberté, et les dieux ennemis de la tyrannie combattront avec lui. Si les dieux s’en mêlent, tôt ou tard vous serez confondus, et vos prospérités se dissiperont comme la fumée ; le conseil et la sagesse seront ôtés à vos chefs, le courage à vos armées, l’abondance à vos terres. Vous vous flatterez ; vous serez téméraires dans vos entreprises, vous ferez taire les gens de bien qui voudront dire la vérité : vous tomberez tout à coup ; et on dira de vous : Est-ce donc là ces peuples florissants qui devaient faire la loi à toute la terre ? et maintenant ils fuient devant leurs ennemis, ils sont le jouet des nations, qui les foulent aux pieds : voilà ce que les dieux ont fait ; voilà ce que méritent les peuples injustes, superbes et