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LIVRE xvi.

tyran ; il gémit seulement, par la crainte de voir les Dauniens dans la servitude.

Voilà l’homme que Télémaque proposa pour le faire régner. Il y avait déjà quelque temps qu’il connaissait son courage et sa vertu ; car Télémaque, selon les conseils de Mentor, ne cessait de s’informer partout des qualités bonnes et mauvaises de toutes les personnes qui étaient dans quelque emploi considérable, non-seulement parmi les nations alliées qu’il servait en cette guerre, mais encore chez les ennemis. Son principal soin était de découvrir et d’examiner partout les hommes qui avaient quelque talent, ou une vertu particulière.

Les princes alliés eurent d’abord quelque répugnance à mettre Polydamas dans la royauté. Nous avons éprouvé, disaient-ils, combien un roi des Dauniens, quand il aime la guerre et qu’il la sait faire, est redoutable à ses voisins. Polydamas est un grand capitaine, et il peut nous jeter dans de grands périls. Mais Télémaque leur répondait : Polydamas, il est vrai, sait la guerre ; mais il aime la paix ; et voilà les deux choses qu’il faut souhaiter. Un homme qui connaît les malheurs, les dangers et les difficultés de la guerre, est bien plus capable de l’éviter qu’un autre qui n’en a aucune expérience. Il a appris à goûter le bonheur d’une vie tranquille ; il a condamné les entreprises d’Adraste ; il en a prévu les suites funestes. Un prince faible, ignorant, et sans expérience, est plus à craindre pour vous qu’un homme qui connaîtra et qui décidera tout par lui-même. Le prince faible et ignorant ne verra que par les yeux d’un favori passionné, ou d’un ministre flatteur, inquiet et ambitieux : ainsi ce prince aveugle s’engagera à la guerre sans la vouloir faire. Vous ne pourrez jamais vous assurer de lui, car il ne pourra être sûr de lui-même ; il