Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
LIVRE ii.

sont les charmes de la vie champêtre, quand on sait goûter ce que la simple nature a de merveilleux. Bientôt les bergers, avec leurs flûtes, se virent plus heureux que les rois ; et leurs cabanes attiraient en foule les plaisirs purs qui fuient les palais dorés. Les jeux, les ris, les grâces, suivaient partout les innocentes bergères. Tous les jours étaient des jours de fête : on n’entendait plus que le gazouillement des oiseaux, ou la douce haleine des zéphyrs qui se jouaient dans les rameaux des arbres, ou le murmure d’une onde claire qui tombait de quelque rocher, ou les chansons que les Muses inspiraient aux bergers qui suivaient Apollon. Ce dieu leur enseignait à remporter le prix de la course, et à percer de flèches les daims et les cerfs. Les dieux mêmes devinrent jaloux des bergers : cette vie leur parut plus douce que toute leur gloire ; et ils rappelèrent Apollon dans l’Olympe.

Mon fils, cette histoire doit vous instruire. Puisque vous êtes dans l’état où fut Apollon, défrichez cette terre sauvage ; faites fleurir comme lui le désert ; apprenez à tous ces bergers quels sont les charmes de l’harmonie ; adoucissez les cœurs farouches ; montrez-leur l’aimable vertu ; faites-leur sentir combien il est doux de jouir, dans la solitude, des plaisirs innocents que rien ne peut ôter aux bergers. Un jour, mon fils, un jour les peines et les soucis cruels, qui environnent les rois, vous feront regretter sur le trône la vie pastorale.

Ayant ainsi parlé, Termosiris me donna une flûte si douce, que les échos de ces montagnes, qui la firent entendre de tous côtés, attirèrent bientôt autour de nous tous les bergers voisins. Ma voix avait une harmonie divine ; je me sentais ému, et comme hors de moi-même, pour chanter les grâces dont la nature a orné la campagne.