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VARIANTE.

tue le monstre ; il épouse la reine Jocaste, sa mère, qu’il ne connaît point, et qui croit Œdipe fils de Polybe. Une horrible peste, signe de la colère des dieux, suit de près un mariage si détestable. Là, Vulcain avait pris plaisir à représenter les enfants qui expiraient dans le sein de leurs mères, tout un peuple languissant, la mort et la douleur peintes sur les visages. Mais ce qui était de plus affreux, était de voir Œdipe, qui, après avoir longtemps cherché le sujet du courroux des dieux, découvre qu’il en est lui-même la cause. On voyait sur le visage de Jocaste la honte et la crainte d’éclaircir ce qu’elle ne voulait pas connaître ; sur celui d’Œdipe, l’horreur et le désespoir : il s’arrache les yeux, et il paraît conduit comme un aveugle par sa fille Antigone : on voit qu’il reproche aux dieux les crimes dans lesquels ils l’ont laissé tomber. Ensuite on le voyait s’exiler lui-même pour se punir, et ne pouvant plus vivre avec les hommes.

En partant il laissait son royaume aux deux fils qu’il avait eus de Jocaste, Étéocle et Polynice, à condition qu’ils régneraient tour à tour chacun leur année ; mais la discorde des frères paraissait encore plus horrible que les malheurs d’Œdipe. Étéocle paraissait sur le trône, refusant d’en descendre pour y faire monter à son tour Polynice. Celui-ci, ayant eu recours à Adraste, roi d’Argos, dont il épousa la fille Argia, s’avançait vers Thèbes avec des troupes innombrables. On voyait partout des combats autour de la ville assiégée. Tous les héros de la Grèce étaient assemblés dans cette guerre, et elle ne paraissait pas moins sanglante que celle de Troie.

On y reconnaissait l’infortuné mari d’Ériphyle. C’était le célèbre devin Amphiaraüs, qui prévit son malheur, et qui ne sut s’en garantir : il se cache pour n’aller point au siège de Thèbes, sachant qu’il ne peut espérer de revenir de cette guerre s’il s’y engage. Ériphyle était la seule à qui il eût osé confier son secret ; Ériphyle son épouse, qu’il aimait plus que sa vie, et dont il se croyait tendrement aimé. Séduite par un collier qu’Adraste, roi d’Argos, lui donna, elle trahit son époux Amphiaraüs ; on la voyait qui découvrait le lieu où il s’était caché. Adraste le menait malgré lui à Thèbes. Bientôt, en y arrivant, il paraissait englouti dans la terre qui s’entr’ouvrait tout à coup pour l’abîmer.

Parmi tant de combats où Mars exerçait sa fureur, on remarquait avec horreur celui des deux frères Étéocle et Polynice : il paraissait sur leurs visages je ne sais quoi d’odieux et de funeste. Le crime de leur naissance était comme écrit sur leurs fronts. Il était facile de