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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/477

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FABLES.

hautaine, l’autre bizarre ; presque toutes fausses, vaines, et idolâtres de leur personne. Il descendit jusqu’aux plus basses conditions, et il trouva enfin la fille d’un pauvre laboureur, belle comme le jour, mais simple et ingénue dans sa beauté, qu’elle comptait pour rien, et qui était en effet sa moindre qualité ; car elle avait un esprit et une vertu qui surpassaient toutes les grâces de sa personne. Toute la jeunesse de son voisinage s’empressait pour la voir ; et chaque jeune homme eût cru assurer le bonheur de sa vie en l’épousant. Le roi Alfaroute ne put la voir sans en être passionné. Il la demanda à son père, qui fut transporté de joie de voir que sa fille serait une grande reine. Clariphile (c’était son nom) passa de la cabane de son père dans un riche palais, où une cour nombreuse la reçut. Elle n’en fut point éblouie ; elle conserva sa simplicité, sa modestie, sa vertu, et elle n’oublia point d’où elle était venue, lorsqu’elle fut au comble des honneurs. Le roi redoubla sa tendresse pour elle, et crut enfin qu’il parviendrait à être heureux. Peu s’en fallait qu’il ne le fût déjà, tant il commençait à se fier au bon cœur de la reine. Il se rendait à toute heure invisible pour l’observer et pour la surprendre ; mais il ne découvrait rien en elle qu’il ne trouvât digne d’être admiré. Il n’y avait plus qu’un reste de jalousie et de défiance qui le troublait encore un peu dans son amitié. La fée, qui lui avait prédit les suites funestes de son dernier don, l’avertissait souvent, et il en fut importuné. Il donna ordre qu’on ne la laissât plus entrer dans le palais, et dit à la reine qu’il lui défendait de la recevoir. La reine promit, avec beaucoup de peine d’obéir, parce qu’elle aimait fort cette bonne fée. Un jour la fée, voulant instruire la reine sur l’avenir, entra chez elle sous la figure d’un officier, et déclara à la reine qui elle était. Aussitôt la reine l’embrassa tendrement. Le roi, qui était alors invisible, l’aperçut, et fut transporté de jalousie jusqu’à la fureur. Il tira son épée, et en perça la reine, qui tomba mourante entre ses bras. Dans ce moment, la fée reprit sa véritable figure. Le roi la reconnut, et comprit l’innocence