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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/48

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LIVRE ii.

pris tous les sages vieillards qui avaient eu la confiance de son père. C’était un monstre, et non pas un roi. Toute l’Égypte gémissait, et, quoique le nom de Sésostris, si cher aux Égyptiens, leur fît supporter la conduite lâche et cruelle de son fils, le fils courait à sa perte ; et un prince si indigne du trône ne pouvait longtemps régner.

Il ne me fut plus permis d’espérer mon retour en Ithaque. Je demeurai dans une tour sur le bord de la mer, auprès de Péluse, où notre embarquement devait se faire, si Sésostris ne fût pas mort. Métophis avait eu l’adresse de sortir de prison, et de se rétablir auprès du nouveau roi : il m’avait fait renfermer dans cette tour, pour se venger de la disgrâce que je lui avais causée. Je passais les jours et les nuits dans une profonde tristesse : tout ce que Termosiris m’avait prédit, et tout ce que j’avais entendu dans la caverne, ne me paraissait plus qu’un songe, j’étais abîmé dans la plus amère douleur. Je voyais les vagues qui venaient battre le pied de la tour où j’étais prisonnier : souvent je m’occupais à considérer des vaisseaux agités par la tempête, qui étaient en danger de se briser contre les rochers sur lesquels la tour était bâtie. Loin de plaindre ces hommes menacés du naufrage, j’enviais leur sort. Bientôt, disais-je en moi-même, ils finiront les malheurs de leur vie, ou ils arriveront en leur pays. Hélas ! je ne puis espérer ni l’un ni l’autre.

Pendant que je me consumais ainsi en regrets inutiles, j’aperçus comme une forêt de mâts de vaisseaux. La mer était couverte de voiles que les vents enflaient ; l’onde était écumante sous les coups des rames innombrables. J’entendais de toutes parts des cris confus ; j’apercevais sur le rivage une partie des Égyptiens effrayés qui couraient aux armes, et d’autres qui semblaient aller au-devant de