Aller au contenu

Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/538

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
521
FABLES.

malheur, et je ne puis me résoudre à travailler comme un esclave pour gagner ma vie.

Alors Cérès lui répondit : La noblesse consiste-t-elle dans les biens ? Ne consiste-t-elle pas plutôt à imiter la vertu de ses ancêtres ? Il n’y a de nobles que ceux qui sont justes. Vivez de peu ; gagnez ce peu par votre travail ; ne soyez à charge à personne : vous serez le plus noble de tous les hommes. Le genre humain se rend lui-même misérable par sa mollesse et par sa fausse gloire. Si les choses nécessaires vous manquent, pourquoi voulez-vous les devoir à d’autres qu’à vous-même ? Manquez-vous de courage pour vous les donner par une vie laborieuse ?

Elle dit : aussitôt elle lui présenta une charrue d’or avec une corne d’abondance. Alors Bacchus parut couronné de lierre, et tenant un thyrse dans sa main : il était suivi de Pan, qui jouait de la flûte, et qui faisait danser les Faunes et les Satyres. Pomone se montra chargée de fruits, et Flore ornée des fleurs les plus vives et les plus odoriférantes. Toutes les divinités champêtres jetèrent un regard favorable sur Mélésichthon.

Il s’éveilla, comprenant la force et le sens de ce songe divin ; il se sentit consolé, et plein de goût pour tous les travaux de la vie champêtre. Il parle de ce songe à Proxinoé, qui entra dans tous ses sentiments. Le lendemain, ils congédièrent leurs domestiques inutiles ; on ne vit plus chez eux de gens dont le seul emploi fût le service de leurs personnes. Ils n’eurent plus ni char ni conducteur. Proxinoé avec Poéménis filaient en menant paître leurs moutons, ensuite elles faisaient leurs toiles et leurs étoffes ; puis elles taillaient et cousaient elles-mêmes leurs habits et ceux du reste de la famille. Au lieu des ouvrages de soie, d’or et d’argent qu’elles avaient accoutumé de faire avec l’art exquis de Minerve, elles n’exerçaient plus leurs doigts qu’au fuseau ou à d’autres travaux semblables. Elles préparaient de leurs propres mains les légumes qu’elles cueillaient dans leur jardin pour nourrir toute