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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/55

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sance des Phéniciens ; ils sont redoutables à toutes les nations voisines, par leurs innombrables vaisseaux : le commerce, qu’ils font jusques aux colonnes d’Hercule, leur donne des richesses qui surpassent celles des peuples les plus florissants. Le grand roi Sésostris, qui n’aurait jamais pu les vaincre par mer, eut bien de la peine à les vaincre par terre avec ses armées qui avaient conquis tout l’Orient ; il nous imposa un tribut que nous n’avons pas longtemps payé : les Phéniciens se trouvaient trop riches et trop puissants pour porter patiemment le joug de la servitude, nous reprîmes notre liberté. La mort ne laissa pas à Sésostris le temps de finir la guerre contre nous. Il est vrai que nous avions tout à craindre de sa sagesse, encore plus que de sa puissance : mais sa puissance passant dans les mains de son fils, dépourvu de toute sagesse, nous conclûmes que nous n’avions plus rien à craindre. En effet, les Égyptiens, bien loin de rentrer les armes à la main dans notre pays pour nous subjuguer encore une fois, ont été contraints de nous appeler à leur secours pour les délivrer de ce roi impie et furieux. Nous avons été leurs libérateurs. Quelle gloire ajoutée à la liberté et à l’opulence des Phéniciens !

Mais pendant que nous délivrons les autres, nous sommes esclaves nous-mêmes. Ô Télémaque, craignez de tomber dans les cruelles mains de Pygmalion, notre roi : il les a trempées, ces mains cruelles, dans le sang de Sichée, mari de Didon, sa sœur. Didon, pleine d’horreur et de vengeance, s’est sauvée de Tyr avec plusieurs vaisseaux. La plupart de ceux qui aiment la vertu et la liberté l’ont suivie : elle a fondé sur la côte d’Afrique une superbe ville qu’on nomme Carthage. Pygmalion, tourmenté par une soif insatiable des richesses, se rend de plus en plus mi-