Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/237

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n’en a plus laissé subsister aucune hors de soi "? Ou finira C0l,lC— Cûllilîlllûü C11 S3 1)l‘Op[‘® Zllltûrllé? Cûllllllôllll f8l`3-l-Oli le départ entre les pouvoirs de Dieu et les pouvoirs de son · ministre, après qu’on les aura si étroitement et énergique- ment confondus? La dictature trouble les plus forts esprits, et qu`est-ce que la dictature au pres d,’une telle souveraineté? Par le hasard des circonstances, Castellion fut le premier it pousser le cri d’ala1·me, le premier du moins à le faire avec quelque autorité. Il avait une situation it part au milieu des divers groupes d’adversaires dont Calvin était entoure. Calvin avait contre lui à Geneve : d’abord des adversaires politiques, tous les anciens Genevois du parti des articulants, les vaincus de 1540, aujourd’l1ui réintégrés par grace, mais d'année en année plus hardis et plus remuants; puis, indépendamment

1. En ce moment même et sans attendre que l’hal>itude du pouvoir absolu eut achevé de lui rendre tout conseil inutile et toute résistance insupportable, trois exemples empruntés ii une seule année nous permettent de voir combien est dangereuse cette imperturbable confiance en soi, que Castéllion osait lui reprocher 1

En janvier 15/A5, affaire de l’anabaptiste Bclot (Am. Roget, ll, 169; Opp. Cala., Xll, 256) : c‘est un pauvre diable d’anabaptiste que Calvin entreprend d‘ab0rd de confondre, qui s’abstint ii soutenir que l`Ancien Testament est aboli; ses invectives contre Calvin font rire l’assemblée; ce qui n’empèche qu’0n le met aux fers et au u torment de la grue ». De janvier a mai 1515, affaire des Boute-peste (Am. Roget, ll, ·l5—î-164), lugubre tragédie qui nous transporte en plein moyen age. La panique populaire explique ces horreurs sans les excuser. Un certain nombre de malheureux, parmi lesquels surtout les pauvres gens attaches au service de l‘hopital, hommes et femmes, sont « acculpés de seavoir faire graisse de peste, et d`avoir faict serment de semer la peste en engressaut les ferrons (serrures) des maisons ¤·. Les tortures auxquelles ou les soumet sont atroces autant que variées. Calvin vient bien une fois au Conseil demander « qu’0n advise de ne tant les faire languir ». dans les suppliccs. Mais il est pénible de le \·oir dans sa correspondance prêter foi ii cette conspiration, ii ces pactes avec le Diable et ii ces sortilèges (nescio quibus vene/iciis), ne pas même soupçonner ce que valent les aveux arrachés par l’estrapade et les a blats de teunilles chauffées au rouge », et encourager-, bien loin d`y tenir tete, Paveuglement et l`inhumauîtè de la populace alfolée. — Est-il besoin d’ajouter que ces aberrations ne sont particulières ni a ce temps ni ii cette ville (voir par exemple Petri Toleti aclio judicialis ad senatum lugflu- nensenz in un_quenla:·ios peslilentes et nocturnes forex, 1577. Lugduni, in-S).

Enfin d’octobre a décembre 1545, affaire des sorciers de Poney (Am. Rogct, ll, 178). Le ’ rôle de Calvin y est encore plus triste : c’est lui-même qui requiert les poursuites contre les lzérigea ou sorciers (t9 nov.) et sollicite un redoublement de rigueurs « afûn d’extirper · telle race ». Le Conseil en est réduit a inventer de nouveaux supplices pour arracher ai un infortune l’aveu qu’il a fait hommage au diable. Apres « sept traits de corde et demi ai il refuse encore, le Conseil décide « qu’il soit plus oultre torquis a, il finit. par avouer, mais naturellement le lendemain il se retracle. On lui applique « le chautlement des pieds au, sans parvenir ii lui faire renouveler ses aveux, et on ûnit de guerre lasse par le bannir a perpé- tuité. — Pour ètre juste ou simplement pour avoir la note exacte de l`opinion régnante dans la region aussi bien et peut-etre plus encore chez les catholiques que chez les réformes, il faut lire le très curieux document publié en 1881, ii Geneve, sous le titre 2 Procès ile sor- ciers d Viry (bailliage de Ternier) de l534 al /548. Ce sont les dossiers complets de six procé- dures contre des sorciers, recueillis par M. C. Duval, avec introduction de M. E. Duboin, iu·S, 219 p. —·· Cl`. un autre ouvrage, intéressant malgré ses longueurs et précieux par le grand nombre de documents inédits qui montrent le clergé protestant aussi arrière ii cet égard que le clergé catholique dans une autre partie de la Suisse française, en plein xvn“ siecle : les Sorcières neacltdteloixes, par Fritz Chabloz. Neuchatel, 1868, in-S.