Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/284

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266 SEBASTIEN cAsTELL1oN. Ileureux et fugitif moment qui sépare comme un beau crépuscule la 11uit du Hlûyôll âge du plein jour des temps modernes : c’est dans ce rapide intervalle qu’il faut écouter ces voix innocentes qui vont si vite se taire, étouflées par le bruit des armes! _ Cette première tentative pour ehristianiser la poésie ou pour poétiser le christianisme, bien accueillie en Italie, le fut mieux encore dans les autres pays où le goût était moins exercé et les besoins religieux plus vivaces. Mais la résur- · rection des poètes latins du IVG siecle ne suffit pas longtemps à ce besoin de nouveau : on dut s’avouer que ni Prudence, ni saint Paulin de Nole, ni aucun de leurs successeurs ne donnaient au monde chretien l’impression dela grande poésie. Et b1·avement une pléiade de jeunes poètes, les uns laïques, les autres ecclésiastiques, tenta de suppléer elle-même ai . l’insuffisance de cette pseudo-antiquité chrétienne. Parmi la foule des productions oubliées, deux œuvres surgissent qui, l’une et l’autre, font c1·oire a un « Virg·ile chretien » : le de Partu V irginis de Sannasar (1526), ce poème que signalèrent deux brefs pontificaux, rédigés l’un par Bembo, l’autre par Sadolet; et surtout la grande épopée latine de Vida, la Chris- tiade : dans les années qui suivirent son apparition (1535), l’œuvre en somme tres remarquable de l’évèque d'Albe fai- sait beaucoup plus de bruit dans le monde des lettres que l’Instz`t·ut£0n c/zrétiemze de Calvin; elle fut traduite dans toutes les langues et permit d’espére1· un instant que l'ère s`ouvrait de la nouvelle poésie. La Réforme fit bien vite évanouir une partie de ces espé- rances, mais pour les faire renaître sous une autre forme. Plus male et plus austère, impitoyable aux frivolités ita- liennes, répudiant également toute trace de paganisme et tout souvenir de papisme, la poésie latine chrétienne telle que l’entend Mélanchthon, telle que la lui offrent Camerarius, Eobauus Hessus, Euricius Cordus, a tout au moins le mérite de la sincérité et, disons—le, de l’émotion. Elle coule d’un seul jet, libre et l1a1·die, simple et abondante. On peut lui reprocher de n'étre ni tres pure de style, ni très neuve de sen- timent, ni tres originale par la pensée, on ne lui reprochera