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Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/33

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observateur et juge impartial, appelait, dès le commencement du siècle, « le second œil de France,


… le chef de la Gaule celtique
Reflorissant comme un autre Ilion[1];


c’était bien déja la ville dont le géographe protestant Antoine du Pinet fait quelques années après un portrait si animé, dont il célèbre « l'opulence, les trafiques indicibles qui par le moyen de ses quatre foires s’y pratiquent et démeinent par diverses nations, l’incroyable multitude des artisans, la commodité merveilleuse pour répandre ses marchandises par toute la terre, l’ordre politique tant curieusement maintenu, la gravité, la pieuse et heureuse administration des sénateurs »; à laquelle enfin il ne reproche qu’un abus, c'est qu'il « a veu que les tailleurs y estoyent princes et comme petits roys, tant estoyent grandes et superflues les façons des habillements[2] ».

Le géographe a raison d’insister sur cet ordre politique et cette administration locale si particulière. Lyon s’était peu à peu émancipé du joug de son archevêque et ne subissait encore que modérément celui du roi de France. Les antiques franchises de la Ville, ses institutions consulaires, l’étendue de son commerce, les privileges de ces quatre grandes foires internationales qui la mettaient chaque année en relation libre avec l’Europe entière, lui avaient fait une sorte d’indépendance dont elle etait aussi fière que de sa prospérité. En donnant asile depuis plus d’un demi-siècle aux Pazzi, aux Capponi, aux Strozzi, aux Gondi, à toutes les grandes familles proscrites de Florence et de Lucques ou émigrées à leur suite, Lyon attirait les industries, puis les arts de l’Italie. On y voyait grandir plus rapidement qu’ailleurs une de ces solides aristocraties bourgeoises dont le luxe même est un hommage au travail.

Une source nouvelle de fortune venait de s’ouvrir (1536) avec la première manufacture de soies. Mais nul n'en pouvait prévoir alors la future extension, et la grande richesse

  1. Lemaire de Belges, cité par M. Fr. Thibaut, p. 142 de son livre sur Marguerite d’Autriche et Jehan Lemaire de Belges. Paris, 1888, in-8, Leroux.
  2. Plan, pourtraict et description de la ville de Lyon au XVIe siècle, par Antoine du Pinet, de nouveau mis en lumière par P.-B. Gonon. Lyon, 1844, in-8, p. 6 et 18.