Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/55

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des témoignages directs. Il en eut certainement d’autres. Car ce n’étaient pas des cercles fermés que ces différentes petites sociétés littéraires qui donnaient alors à Lyon tant de vie, de mouvement et d’éclat.

On a fait justice depuis quelques années de la légende de l’académie de Fourvières[1] ; mais cette légende, comme d’autres, était plus vraie que l’histoire : elle renaît à travers toutes les pages de Dolet, de Voulté, de Bourbon : s’il n’y avait pas là une « académie » au sens du XVIIe siècle, il y en avait dix au sens du XVIe, bien vivantes et bien libres, pleines de jeunesse, de fraîcheur, d’enthousiasme.

Ce beau sodalitium amicorum lugdunensium[2] que Voulté célèbre avec tant d’abandon, auquel Nicolas Bourbon, quoique plus froid, fait aussi de fréquentes allusions[3], c’est une suite de petites réunions où se rencontrent tous les amis de toutes les choses de l’intelligence, lettrés, savants, érudits, poètes, où l’élite de la jeunesse studieuse se groupe autour des hommes qu’elle considère déjà comme ses maîtres et comme l’honneur du pays. Dans une de ses préfaces[4], véritable causerie a cœur ouvert avec le bon évêque de Rieux, Jean de Pins, Voulté passe en revue quelques-uns de ceux qu’il y voit le plus souvent, avec son grand ami Étienne Dolet. L’énumération seule dit ce qu’étaient ces fêtes de l’esprit et de la jeunesse. Il s’y trouve des hommes d’âge comme Jérome Fondolo[5], Fundulus, le grand chercheur de manuscrits grecs de François Ier, « celui — dit-il à Jean de Pins sans 'craindre de le compromettre par ce souvenir — que vous aviez vu jadis avec Longueil et Simon de Villeneuve, ces deux lumières de notre France, quand vous étiez ambassadeur en Italie » ; il y a aussi Guillaume Duchoul, Caulius, « ce savant et sagace investigateur des antiquités romaines », dont la maison a été, en France, un des premiers musées d’antiques ; il y a l’avocat Benoît Court, qui venait de donner dans son merveilleux commentaire latin des Arrests

  1. Sainte-Beuve y croyait encore. Voir son article sur Louise Labé.
  2. Voulté, Epigr., p. 260.
  3. Voir son ode de Amicis lugdunensibus.
  4. Voulté, Epigr., préface en prose du livre III.
  5. Qui mourut à Paris le 12 mars 1540.