Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/58

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étendue. Ce sont Charles de Sainte-Marthe, Jean Ribit, André Zébédée. Mais tous trois devant, comme Castellion, passer au protestantisme, nous les retrouverons à plusieurs reprises au cours de cette biographie.


Sans épuiser cette revue des relations de jeunesse dont il serait possible de recueillir la trace, nous ne dissimulerons pas notre embarras sur une question intéressante qui se pose ici tout naturellement : Castellion n’a-t-il pas connu à cette époque Etienne Dolet?

Dolet était établi a Lyon depuis la fin de 1534; il y avait trouvé aussitôt aide et protection, il était en relations d’amitié, d’étude ou de travail avec la plupart des lettrés, des professeurs, des imprimeurs, dont nous venons de parler. Dès 1535, c’est lui qui avait été chargé de composer au nom de la corporation l’inscription latine du « mai des imprimeurs » offert à Pompone de Trivulce. Son virulent écrit en réponse au Cicéronien d’Érasme avait attiré sur lui bien des colères. Mais il avait fini par obtenir l'autorisation d’imprimer son grand ouvrage, les Commentaires de la langue latine, et pendant deux années, les plus calmes de sa vie, il s’y était plongé avec le sombre et violent acharnement qui altérait son humeur et lui donnait, au dire de plus d’un contemporain, un air hagard. On lui pardonna longtemps ces emportements, ces inégalités de caractère, cette rudesse de propos, cette arrogance où entrait encore plus de mépris pour les autres que de confiance en lui-même. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’à l’époque où nous reporte le recueil de Ducher (1538), tout était changé. Le malheureux Dolet avait réussi a s’aliéner plusieurs de ses premiers et de ses meilleurs amis.

A la suite d’une rixe ou, suivant lui, d’un guet-apens, où il avait eu le malheur de tuer le peintre Compaing, il avait dû aller implorer sa grâce a Paris; il l’obtint, mais, de retour à Lyon, il n’en fut pas moins emprisonné. A peine libre, il se brouille pour de futiles motifs avec Voulté, son enthousiaste admirateur, qui lui avait donné les preuves du plus fraternel dévouement, puis avec Hubert Sussanneau,